Si à la base cette expression était fort répandue dans la population sauvageonne, avouez qu’il ne vous semble pas saugrenu de la prononcer à votre tour, vous le fruit d’une éducation au-dessus de tout soupçon, ah la la la la. Fait notable, cet anglicisme pure juice n’a pour une fois pas perdu sa saveur dans le voyage mais dès conditionnement.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Le sens de basically s’était en effet déjà délité en la perfide Albion – au grand désespoir des grammairiens du cru – pour se rapprocher de actually (notre « en fait », autre tic crochu s’il en est). Basiquement, nous autres pigeons shakespearophobes nous sommes laissés berner par ce faux ami qu’il eût mieux valu traduire par simplement ou fondamentalement. Au lieu de quoi le passage en VF a donné cet obscur « à la base », auquel on s’est empressé de donner le sens de « au départ » qu’il n’a pas au départ.
Or, arrêtez-moi si je me trompe, contrairement à départ, la base n’est pas en soi un marqueur de temps. Pensez au baseball où elle n’est qu’un repère statique. Pensez à la tarte aux myrtilles de votre grand-mère dont la base est tellement simple que c’est pas possible que la vôtre ne lui arrive jamais à la cheville.
L’usage fautif s’est donc éloigné à la fois de la notion de « plus simple appareil » (« la recette de base ») et de socle, induite par le complément du nom base, éjecté sans ménagement. A l’oral, seuls les ringards assumés s’embarrasseront encore de formules comme :
à la base du projet ;
à la base de cette réussite.
Sentez comme on n’est plus du tout dans la temporalité ?
Ouais mais ziva, sérieux, moi à la base chuis une vraie burne en anglais t’es ouf toi.
Raison de plus pour espérer quelque progrès dans un futur plus ou moins lointain. A l’arrivée, il y va de la survie de « au départ ». Et vos précepteurs n’auront pas en pure perte sué comme des bœufs pour vous inculquer les bases.
Merci de votre attention.