On peut être jaloux des grand-bretons : toujours le mot pour rire, ils ont souvent aussi celui pour le dire, le petit vocable qui va bien pour condenser moult choses qu’on n’exprimerait pas d’une traite de ce côté-ci du tunnel.
Ainsi de vintage, cet adjectif fleurant si bon la nostalgie qu’on a fini par l’adopter pour qualifier ce qui est, ou fait « d’époque » : un disque, une veste, de la déco vintage. Avec ce supplément d’âme dont peut se prévaloir l’heureux possesseur, un être forcément de goût et au fait des tendances.
Sauf que ha-hââ, messieurs les Anglais, pour une fois, c’est pas vous qu’avez tiré les premiers.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
On ne s’étranglera point d’apprendre qu’outre-Manche, vintage désigne au sens strict un cru ou un millésime, puisque le petit animal est une déformation de « vendange », eeeh oui. Ça, à force de bitures à l’hydromel avec les Normands, c’était à prévoir.
D’où, CQFD, l’idée de qualité acquise avec les années. Les connoisseurs préciseraient : à partir de « vingt ans d’âge », mettant ipso facto la puce à l’oreille aux étymologues du dimanche. Fausse piste. La racine latine vindemia est trop transparente, qui a bouturé au passage jusque dans le mois vendémiaire – création vintage s’il en est de nos révolutionnaires.
Profitons de l’occase pour déplorer le fait que nous autres bloody frogs nous entêtions à prononcer [eidʒ] la finale en –age des mots angliches de plus d’une syllabe. L’on se tordrait nettement moins la babine en usant de la seule prononciation qui vaille [idʒ].
Mais vous, petits veinards, serez immunisés après ça :
– Luigi, le didgeridoo, on l’a acheté à Djibouti ou aux Fidji ? A moins que ce soit à Abidjan ?
– Sais plus mais il est drôlement vintage en tout cas. Il reste du porridge ?
Merci de votre attention.