Chiche

 

Vous en avez déjà l’eau à la bouche, bande de zépicuriens en goguette. C’est que chiche est enrobé d’un mystère – teinté d’exotisme – puisqu’il a trait concomitamment à la boustifaille (chiche kebab, pois chiche), aux notions de petitesse et de frugalité (pois chiche mais pas chiche kebab) et, dans un dernier sens, de défi (t’es pas chiche de mettre des pois chiches dans ton chiche kebab).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Foin des döners de leçons, écoutez plutôt ce que votre instinct vous tonitrue de toute éternité : c’est au kebab que le mystère chiche est le plus épais. Pourquoi en effet ne l’ouït-on jamais prononcé au moment de la commande ? Est-ce à dire que l’épithète frise la tautologie, tel le garnie de choucroute ?
Nous nageons dans l’erreur grammaticale : accolé à kebab, chiche n’est pas un adjectif mais un nom, francisé d’après şiş kebap (du turc şiş : la broche). Eh oui mes moutons tournant et suant, l’étymologie, c’est parfois bête comme chou ! Voilà enfin levées les conjectures quant au kebab qui, bôrpfs et re-bôrpfs, n’a décidément rien de chiche.

Tout l’inverse du pois chiche qui, lui, se mange sans faim tant il est petit (« trognon », disent les filles du sexe féminin). Sans vouloir vous accabler, quelque riquiqui que soit l’avorton, nous coulons à pic dans le contresens. On doit ce chiche-là au latin cicer, lui-même dérivé de l’ancien grec kickere désignant tout bonnement la variété de pois en question (décevante étymo !).

Sortons le carafon de l’eau si vous le voulez bien et venons-en à l’acception la plus répandue : chiche et chichement. Encore un coup des grecs, vous l’auriez deviné : kikkon (« un rien », « un zeste ») a traversé sans encombre l’espace-temps. Pour léguer à la postérité le fameux :

Kirikou n’est pas grand
Mais il est vaillant.

È, y’a pas de hasard.

Le mot connote donc l’insignifiance, voire plus négativement l’avarice. Idée qu’on retrouve dans l’interjection « chiche ! » dont on saisit maintenant toute la portée (« t’es pas cap’ ! ») : votre vis-à-vis vient de lancer une promesse qu’il ne fera évidemment rien pour tenir, se montrant… avare de preuves de bonne volonté.

Quant à notre étymo, voyez qu’elle les tient quand elle veut, ses promesses.
Alors s’il-vous-plaît, je vous en prie.

Merci de votre attention.

 

Vous diriez même plus :

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s