Stop, imprégnez-vous de la beauté brute de ces quatre lettres.
Comment y rester insensible ?
- D’abord signal d’arrêt, en particulier sur nos routes, le mot devient par métonymie l’arrêt lui-même. On « marque le stop », quelque dégagé que soit l’horizon, ou il vous en coûtera, pauvres fous, le nombre de vos roues en points, pas moins.
« Feux stop » allumés = poulets bien attrapés. - Bitume toujours, « faire du stop » revient littéralement à stopper les voitures de bonne volonté (et non de bonne qualité nécessairement, cf. Michel Colucci : « tout en plastique, la sienne »).
- Stop sépare enfin les phrases d’un télégramme, comme seule l’antépénultième génération s’en souviendra si Alzheimer lui fout la paix.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
C’est à l’évidence dans la langue et à l’époque de Shakespeare que se plante le décor : stop y signifie « obstruction, arrêt » et désigne déjà par ailleurs une marque de ponctuation. D’où a-t-il débaroulé ? Du vieux verbe anglais stoppian, probablement chipé au bas latin stuppare, qui a donné notre étouper (« boucher avec de l’étoupe [fibre grossière] »). De calfeutrer à empêcher l’air de passer en l’arrêtant, pas le moindre interstice sémantique, nous sommes d’accord.
Maintenant figé en étouper, l’ancien françois estoper s’est altéré en estofer (attesté en 1230). Pourquoi croyez-vous que le lapin à l’étouffée cuit avec son couvercle, mm ? Voilà qui vous en bouche un coin, avouez.
Par suite, si stop équivaut à boucher, Destop débouche. La logique le dispute à la causticité.
Des latinistes obsessionnels, habitués sans doute à tomber en arrêt devant leurs congénères femelles, rapprochent volontiers to stop du transparent stupere. Stupeur et tout le tremblement ! Louis Jordan lui-même, ci-devant tonton du rock’n’roll, avait en son temps cette image qui tue :
One look at her and the traffic stops.
Merci de votre attention stop