Ouï il y a peu sur les ondes, à propos d’un raid dans l’un ou l’autre quartier d’une quelconque 3e ville de France :
Justice et police ont lancé une cellule de lutte contre le petit caïdat.
Lapsus auditif ? Le replay confirme que non. La radio, au-dessus de tout soupçon, escomptait sans doute nous faire doucement marrer en relayant tel quel le jargon des zautorités compétentes. C’est donc une plaisanterie.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Le mot a l’air de couler de source. Policière, ça va de soi. Or on ne le rappelle jamais assez, tout citoyen a le droit d’être protégé des fripouilles autant que du mauvais goût linguistique.
Brainstorming place Beauvau. Vous y êtes ? Jusque-là, question trafics en tous genres, les pontes galonnés utilisaient l’expression « zones de non-droit ». La décrétant peut-être trop ringarde ou politiquement correcte, les voilà planchant sur une nouvelle tournure qui « parle » immédiatement tout en exhalant l’institution. Ça fume, ça fume, quand soudain, l’étincelle : caïd → caïdat ! Et vlan, voilà « le petit caïdat » porté sur les fonts baptismaux. « Petit » pour éviter la confusion avec les « gros » bonnets ? Non, messeigneurs : pour mieux masquer la gémellité phonétique entre « lutte contre le caïdat » (sans précision de taille) et « lutte contre Al-Qaida ». L’épithète nous préserve du tollé ! Mais pas du ridicule puisqu’ainsi rapetissé, caïdat fait davantage youkaïdi qu’Axe du mal.
Dans un français impropre à la consommation de surcroît. Sous prétexte qu’adjectif et nom vont de pair, les huiles susdites ont cru pouvoir former « petit caïdat » sur « petit caïd » sans que personne ne bronche. Or, ça n’est pas le caïdat qui est petit, au contraire. Faudrait, en toute logique, écrire « petit-caïdat ». Mettons qu’il existe ici-bas une société dominée par les mémés : causerait-on de « grand matriarcat » ? A le lire comme ça, on songe plutôt à un potentat de momans.
Double raison d’exécrer les petits caïds. On rêve du jour où l’Intérieur déclarera solennellement sur le théâtre des opérations :
Le petit caïdat est mort.
Merci de votre attention.