Depuis votre première salopette, vous courez comme un dératé en quête de quiconque percerait pour vous le mystère de l’expression « courir comme un dératé ». C’est qu’avec ses faux airs de participe passé substantivé, le mot semble sans attaches. Une sous-espèce à lui tout seul. Ayons-en le cœur net.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Tenter de caser l’orphelin s’avère d’autant plus malaisé que son sens est archi-clair : un dératé prend, qu’il pisse, qu’il vente ou qu’il grêle, ses jambes à son cou.
Vif comme un rat ? Laissons sa tête et sa queue tranquilles, alors.
Survivance du verbe « dérater », obscur synonyme de réussir ? Ça pourrait expliquer le manège du buteur venant de marquer : sprint à la trajectoire aléatoire, doublé d’une imitation de vol plané, finissant en longue glissade striant la pelouse ou par une chorégraphie mise au point à l’entraînement. Tous les symptômes d’une course de dératé.
On n’est pas rendu pour autant.
Nonobstant, la solution de l’énigme est si évidente que vous allez sauter au plafond.
Dé- : préfixe tout ce qu’il y a de plus privatif.
-er : terminaison on ne peut plus bête.
Reste quoi ? La rate. Z’êtes pas trop fait mal, non ?
Au XVIe siècle, dérater n’est autre qu’« enlever la rate ». Faut dire qu’en ces temps reculés, c’est elle qu’on rend responsable des points de côté, lesquels scient effectivement les pattes. Par les facéties du sens figuré, dératé équivaut bientôt à « éveillé, alerte » puis « très léger à la course » (1803). Début XIXe, « courir comme un dératé », c’est donc « courir comme on suppose que le ferait une personne à laquelle on aurait ôté la rate ».
Avec les amygdales, encore un organe gadget dont le français raffole, surtout au court-bouillon. Une rate faisant bien ses 200 grammes, on peut objectivement se sentir plus léger après l’opération, que les toubibs entre eux appellent splénectomie.
Courir comme un splénectomisé.
Fuyez les jargons comme la peste. (Ou comme des dératés, y’en a qui suivent).
Sachez encore qu’au cas où le chirurgien se l’est pas foulée, l’ablation de la rate peut entraîner des « infections bactériennes très sévères », avec risque de paludisme et de fin des haricots, rien que ça. Alors arrêtez de vous la dilater deux minutes arrêtez.
Merci de votre attention.
alors moi j’avais entendu une histoire un peu similaire, concernant l’ablation de la rate : ça se passait chez les grecs, au temps des jeux olympiques, et on raconte qu’on enlevait la rate aux coureurs… et qu’ils couraient plus vite ! ça ressemble mais ce serait plus ancien…
Et une fois les croyances ancrées dans les gens, vous pouvez toujours y aller pour les ramener à la raison…
en fait, si on peut s’en passer sans danger (de la rate) on se demande pourquoi on en a une ?
Organe gadget, c’est ce que je disais ! De même qu’on peut très bien se passer d’un rein, etc. La liste est sans doute longue !