Rien n’est plus étranger au pêcheur que le fait de « se dépêcher ». Notez aussi qu’on se dépêche plus volontiers en ayant la pêche. Allez comprendre. Si le préfixe est privatif (comme l’étang), s’agit-il du même –pêcher que dans empêcher ? Et si on voyait ça rapidos, sans vouloir vous presser ?
Mais revenons à nos goujons, moutons.
Saviez-vous que l’usage du verbe sans son pronom s’est perdu (à un moment connu de lui seul) en tant que synonyme de « bâcler » et – le mot n’est pas trop fort – de « torcher » ?
dépêcher ses devoirs ;
dépêcher son repas.
Il en reste quelque chose dans le fameux
Dépêchons
dont on a du mal à décider s’il est familier ou soutenu.
Heureusement,
Grouillez-vous ;
Magnez-vous le tronc ;
Sortez-vous les doigts du cuuuuuuuul
sont nettement moins ambigus.
Blague à part, il faut poireauter jusqu’en 1740 pour trouver notre verbe avé les accents. Mais dans un premier temps, « se depescher » signifie « se délivrer, se libérer ». Vu sous cet angle, c’est effectivement l’antonyme d’empêcher, qui n’est rien d’autre qu’« entraver » (vous entravez ?). On conçoit alors que « se dépêcher » ait endossé cette connotation d’urgence (« se dépêcher de qqn » revenant même à le « zigouiller » sans autre forme de procès en plein XVe siècle).
D’où l’idée d’« expédier fissa » qui se matérialise dans la dépêche, portée par un larbin qu’on a dépêché tout exprès.
N’empêche, on n’a toujours rien pêché du côté de –pêcher, avec ça.
Bé croyez-le ou non, voilà à quoi ressemblait empêcher avant qu’une lente érosion ne le rabote : « ampagier ». Et dans les bons jours, « empeechier ». Ah restez polis : ça sont les fruits de la décantation du bas latin impedicare, formé sur le substantif pedica, qui eeeh oui a donné piège. Figurez-vous qu’on mettait la chose aux pieds des chevaux pour éviter qu’ils ne s’enfuient sur leur fidèle destrière, les fieffés.
Au fait, on a trop vite expédié expédier tout à l’heure. Pourtant, qu’y lit-on ? Expedire, littéralement « débarrasser le pied »… Mais c’est le jumeau caché de dépêcher !
On n’a jamais fini de prendre son pied avec l’étymo.
Merci de votre attention.