Levons d’emblée un vieux malentendu : lorsque Roy Orbison lance d’autorité son « mercy » en plein Pretty Woman, il n’est nullement en train de nous remercier (vu qu’il lui reste une bonne minute de riff). C’est la pitié, ou la grâce de Julia Roberts, qu’il réclame (tellement elle est bien roulée elle en a pour deux).
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Vous pouvez déjà dire merci pour ce préambule qui vous sauve d’une longue et rébarbative étymo. Car à force d’user notre salive en politesses, nous en oublions le genre féminin de merci, à l’origine synonyme de miséricorde – que les Zanglais sans mercy nous pillèrent as usual. Etre « à la merci » (ou « at the mercy ») de quelqu’un, c’est être sous sa coupe : un pet de travers et c’en est fini de nous.
« Mercit » apparaît dans ce sens en 881 (repérez bien ce t). Quelques décennies plus tard, on s’adresse « granz merciz » pour exprimer cette fois sa gratitude (repérez bien ce z).
D’où merci a-t-il (elle) dérivé ?
Du latin mercedem (t, z, c’est papa qu’est là !), accusatif de merces, « salaire, solde, récompense, intérêt » puis « prix, faveur, grâce accordée à quelqu’un ». Et bientôt – la nature humaine étant ce qu’elle est – « prix d’un service illégitime ou honteux ». Et pan ! Les mercenaires rappliquent. Sans oublier marché, commerce et tout le bataclan (merx, mercis : « marchandise »). On connaît la suite : Mercure, dieu des affaires, mercredi, premier jour des soldes. Et Merckx vainqueur du grand prix de la montagne.
Sans oublier le verbe merere, « gagner un salaire ». De là à le mériter, hein… Les linguistes les plus acharnés y voient le radical indo-européen (s)mer-, « se souvenir, se soucier de ». Lequel, en se superposant à lui-même (car il est très souple), donne memor… D’ailleurs, celui qui « remembers » un cher défunt le « pleure » (to mourn, passé par notre morne à nous du temps que ça voulait dire « abattu »).
On peut aller loin, comme ça !
Afin donc d’éviter de tout se retaper à pied, Marie pleine de grâce se propose de raccompagner tout le monde en Mercedes.
Merci de votre attention.