Non, pas vous. L’imbécile de service, celui ou celle (l’e final vaut pour tous) qui mérite notre dédain intégral. Sans haine, car imbécile est un nom d’oiseau rare, une insulte sélect, presque un constat.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Imbécile (non, pas vous) est si fin et racé qu’il ne supporte aucun des traitements que nous réservons habituellement au vocabulaire courant. Pas d’apocope (imbé), pas de verlan connu (cilimbé) quoique le charme opèrerait encore. Pas non plus de suffixation (comme dans connard, salopiot) ni d’hyperbole (super-connard, non, pas vous). Du haut de sa superbe, imbécile semble intouchable.
Il se paye même le luxe d’être bi (nom et adjectif), comme son cousin scélérat :
Une loi scélérate ;
Les scélérats !Des mesures imbéciles ;
Imbécile !
Non, pas vous.
Notons enfin le double l d’imbécillité. Suprême distinction qui n’a rien d’un caprice, ainsi que l’étymo va nous le révéler. Vous préviens, elle est à la hauteur de l’animal.
Souvenons-nous d’abord du « faible de nature » en vigueur jusqu’au XIXe siècle. Par extension, un imbécile n’a plus toutes ses facultés intellectuelles et dans la foulée, savez ce que c’est, devient – sens actuel – khôn comme une pelle.
Or dans les premiers dicos, imbécile s’écrit imbecille (le français a longtemps ete fache avec les accents et phriandt en consonnes). Fin XVIe, le « sexe imbecille » équivaut, évidemment, au « sexe faible » – expression tout aussi imbécile, s’ pas, filles du sexe féminin.
Mais zieutez le latin imbecillus, d’où tout déboula. Pourquoi « faiblard », à la fin ? Parce que l’imbécile n’a pas de bacillum (« bâton ») pour le soutenir. Avouez que ça vous coupe les pattes.
Pas pour rien si ces saloperies de bacilles ont la forme de bâtonnets. Nous les appelons bactéries à nos heures perdues à cause du grec ancien baktêria (« bâton pour la marche »), d’après l’étymon indo-européen bak- (« bâton, frapper ») qui nous vaut aussi la baguette. Magique !
Conclusion : celui qui veut frapper sur une batterie et oublie ses baguettes est un imbécile.
Merci de votre attention.
Non, pas vous.