Témoin-clé,
Moment-clé,
Compétences-clé,
Clé-clé,
tous les contextes sont bons pour adjoindre ce riquiqui vocable à la sauce invariable.
Et pourquoi « clé » plutôt que « manivelle », « ressort » ou « boulon » ?
Mais revenons à nos moutons, moutons.
La clé de l’énigme se situe sans doute dans la « clé de l’énigme » : au figuré, LA solution qui fait avancer le bazar. Restait plus qu’à parer « clé » du sens de « décisif » et le tour était joué.
Le mot a, c’est pas neuf, l’étrange pouvoir de s’insinuer partout. Mais d’autres formules creuses à souhait déboulent parfois dans le seul but de faire dresser l’oreille. Ainsi, on est tout heureux d’apprendre que
c’est le tournant du match
ou qu’on a affaire à
une année charnière,
l’album de la maturité,
le sommet de la dernière chance,
des mesures phares,
sans parler du récent
choc
[de simplification ou tout autre substantif cherché au diable vauvert].
Pourquoi versons-nous dans le crucial de pacotille ?
Par peur de ne rien ressentir probablement, comme on s’épuise à le déplorer ici même, mes moutons. « Clé » répond (version bon teint) au même besoin de stabilotage que trop, vrai, grave et autres zhyperboles hallucinantes.
‘Tention, on comprend que les jargons de tout poil s’en repaissent, en particulier celui des médias pour qui scénariser le réel est une question de vie ou de mort. Mais nous qui n’avons rien à vendre, pourquoi tomber dans les mêmes travers ? C’est une question-clé.
On charrie, évidemment ; tout ceci n’a aucune importance.
Merci de votre attention.