« Déraper » n’a plus la cote. Commettre un écart appelle désormais une image plus colorée : « franchir la ligne jaune ». Vu son développement exponentiel, il est à craindre que nous l’ayons déjà franchie.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Comme ça, dans le feu de l’action, cette histoire de « ligne jaune » passe comme une lettre à la poste. On ne peut pas la louper, ce qui rend son franchissement d’autant plus inacceptable.
Mais les mecs, seriez pas un peu daltoniens sur les bords ?
Car vous qui dépassez les bornes de France et de Navarre à longueur d’année, savez bien que cette ligne a toujours été blanche, tout ce qu’il y a de plus blanc. Et pas pour des nèfles : sur macadam, gazon (foot ou rugby), tartan (saut en longueur), terre battue (tennis), rien n’est plus visible que le blanc.
Par ailleurs, le code de la route est formel : ligne jaune continue, ça n’existe qu’en cas de travaux. Ou alors, le long d’un trottoir, pour signaler qu’on ne peut y stationner sous aucun prétexte.
Franchir une ligne jaune est donc à peu près aussi répréhensible que griller un feu vert.
Où veut-on en venir à la fin, avec ce jaune ?
L’expression est plus sournoise qu’elle n’y paraît.
En substituant le jaune au blanc, elle sous-entend que ce tracé temporaire sera bientôt goudronné et qu’on pourra alors s’égayer de l’autre côté de la route sans aucun garde-fou. D’où le parfum de scandale.
Oui mais sur tout le territoire nord-américain, les lignes sont bel et bien jaunes. Vous en voulez pour preuve la fameuse route 66, dont le sillon d’or se perd à l’horizon.
T-t-t, fellows, il s’agit d’une ligne double, comme le 6. Manquerait plus qu’on se mette à « franchir les lignes jaunes », à l’étranger qui plus est.
Dernièrement, une variante avec « ligne rouge » a même retenti sans que personne ne s’étrangle.
Si toute la gamme chromatique doit y passer, autant tomber d’accord sur du fuchsia.
Rien que pour le plaisir de dire fuchsia.
Merci de votre attention.