Soulevons aujourd’hui cet épineux problème :
On se rend couramment, par ignorance ou flemme,
Coupable d’aligner de faux alexandrins ;
C’est là, ma foi, le fait de nombreux malandrins.
Mais revenons céans à nos moutons, moutons.
Que la césure, encor, s’écarte un peu de six
Afin de pimenter certain vers, admettons.
Enfin quoi, sacrebleu, voici un exercice
Auquel on ne s’astreint tous les quatre matins !
Autant donc s’arranger pour que son baratin
Soit si bien composé qu’il ne prête le flanc
A nul formel reproche, accusation de flan
Ni objection narquoise au nom des grands auteurs
Lassés en leur tombeau d’imiter la toupie.
Sans causer hémistiche ou hiatus à cette heure,
Il faudra bien un jour que revoient leur copie
Ces rimeurs laborieux qui, haut et fort, déclament
Leur bancal scribouillage (inconscients du drame ?)
Sans s’enquiquiner même à chercher l’élision
– Ceux-là précisément font encore illusion.
Un exemple au hasard afin de mieux comprendre :
Ecrivant comme un pied, ils les livrent par douze,
Auraient tort de se priver : personne pour les reprendre !
D’ailleurs ils s’en balancent, tant qu’aboulera le flouze.
Mesurez-vous l’aplomb de pareils charlatans ?
La versification, pas compliquée pourtant,
Exigerait ici e muets en pluie ;
Le texte siérait même en entier amuï.
Que tous les plumitifs espérant s’en sortir
En noyant le poisson sous ces piètres appas
Sachent qu’on n’est pas dupe et que de divertir
A diversion, hélas, il n’y a qu’un (faux) pas ;
Point trop ne faut mémé dans les orties pousser.
D’ailleurs, à moins d’avoir le tympan émoussé
Par tant d’atrocités, le dieu de la scansion
Reconnaîtra les siens.
Merci d’votre attention.