Les cruciverbistes, verbicrucistes et autres transgenres de la grille le savent bien : dès qu’on parle du Dieu-Soleil des Zégyptiens, Rê et Râ sont interchangeables. Rez et ras aussi, sans vouloir la ramener.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Avec son z final, survivance comme on les aime du vieux français (chez, lez, nez et on a fait le tour), rez équivaut donc à ras. Mais pas à raz, cette « énorme vague isolée qui déferle violemment sur la côte ». Imaginez quelle fâcheuse répétition du –rée de marée nous aurait valu un « rez de marée » – en sus des dégâts matériels.
L’usage de rez tout seul s’est perdu, quoiqu’il chiait la classe :
Le comte d’Huntingdon, demeuré sur la flotte (…) avoit ordre de suivre rez les côtes le mouvement des troupes. (Chateaubriand)
Depuis, vu son sens, on lui a fourré dans les pattes un complément de lieu. Rez-de-chaussée : « à ras de la chaussée » ; ça perd un peu de son charme, m’enfin, faut ce qui faut.
Rez/ras, version rasibus de rasus, participe du verbe latin radere : « raser » dans tous les sens du terme. Dérivés auxquels on ne pense pas, bien que sous nos yeux : abrasif (qui ôte en raclant), râteau (qui ôte en raclant). Sans parler d’éroder et de corrosif, couvés par le cousin rodere.
Et chaussée dans tout ça ? Les latinistes la font descendre du non académique calciata, « faite à la chaux », en parlant d’une route. D’aucuns, soutenant – à raison – que calx n’est pas seulement de la chaux, oublient – à tort – que les trottoirs ne sont pas faits pour les chiens.
Soulignons qu’habiter au rez-de-chaussée sans ascenseur est un des seuls luxes que l’on puisse se permettre indépendamment de ses revenus.
Merci de votre attention.