On ne fait pas plus universel que la poussière. L’univers lui-même n’est constitué que de ça. Quant à nous, comme dit si bien Hans Post-Scriptum*, nous ne sommes que des poussières d’étoiles. C’est pourquoi dépoussiérer, épousseter ou sputzer (dans le Nord-Est) n’est qu’un leurre. Voire une forme de vengeance, qui consiste à retourner la poussière avant de retourner en poussière.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Vous pensez bien qu’avant la réforme des accents de 1740, poussiere a eu tout le temps de s’installer, mes moutons.
Ainsi, dans les vieux textes poussiéreux, possere première manière passe allègrement de « fines particules de terre desséchée » (fin XIIe) aux « restes de l’homme après la mort » (un siècle plus tard). Non contente de coloniser le propre, elle s’attaque au sens figuré à partir du XVIIe siècle : « mordre la poussière », « jeter de la poussière aux yeux » (supplantée fissa par poudre), sans oublier le fameux « et des poussières » en 1900 et des poussières.
Auparavant, il n’y avait pas de poussière puisqu’on ne disait rien. Plus probablement, tout était si crade qu’on ne la distinguait pas du reste. Une fois de plus, c’est dans l’Est qu’on a commencé à secouer tout ça. Et les petits pousset, poussot, poussier de pousser en lorrain, bourguignon et champenois sur l’ancien français « pous ».
Un héritage du latin des rues pulvus et du plus noble pulvis (poudre, née pouldre), auquel on doit pulvériser.
Au passage, la différence est aussi infime entre poudre et poussière qu’entre poussière et pollen, cette mimisse volante capable de faire éternuer comme la poudre du même nom.
Quant à ceux qui touillent leur polenta, songent-ils seulement que la semoule de maïs a traversé les âges elle aussi depuis l’indo-européen pel-, « farine, poussière » ?
C’est pas avec l’étymo de brouette qu’on aurait fait autant de chemin.
Merci de votre attention.
* A moins que ce ne soit Hubert Reeves ?