Si le gigot de sept heures est un délice, il n’en va pas de même pour le gigot du XVe siècle, au goût plus proche du cuir.
Mais revenons à nos gigots, moutons.
Vos gigots à vous servent à gigoter, notamment en dansant la gigue. Et ne vous laissez pas zabuser par le succès populaire de cette dernière ou de la jig irlandaise. Avant d’être une danse, celle-ci n’était qu’une vielle à archet, dont la forme a fini par évoquer celle d’un gigot. On l’avait dérobée en coulisses au haut teuton gîga, un instrument à cordes.
Aujourd’hui encore, l’allemand Geige désigne le « violon » de manière quasi-affectueuse, à l’instar du fiddle anglo-saxon, plus dansant que le violin.
Si bien que jusqu’à un passé récent, une bonne cuicuisse se faisait indifféremment appeler gigue ou gigot.
Quant à gigoter, il apparaît fin XVIIe en parlant des animaux qui « ruent » ou « agitent convulsivement les pattes avant de mourir ». Par suite, gigoter acquiert le sens d’« agiter ses membres, tout son corps ».
Et que dire du gigolo, ce dancing partner qui vous dépouille jusqu’à l’os (tel un gigot) ? Ou du fameux geek, piqué au néerlandais gek, « fou [de quelque chose], curieux, étrange » ? Toujours en écho à notre gîga à cordes, l’ancien français giguer (« gambader, sauter ») rappelle furieusement le norvégien geiga (« chanceler, tituber ») et l’allemand geigen (« vaciller, flageoler »).
Si certaines guinguettes (nées de giguer) proposent gigot-flageolets en plat du jour, un conseil : attendez un peu avant de repartir gigoter.
Merci de votre attention.