XX = XY

 

Filles du sexe féminin, on n’a pas attendu le 8 mars pour vous adorer. Sachez toutefois pour votre gouverne que l’ONU vous a casées entre la journée internationale du tennis et la journée mondiale de la plomberie. On serait vous, on ne la ramènerait quand même pas trop.

Mais revenons à nos moutons, moutonnes.

Grâce aux gueulantes déjà centenaires des prolettes et suffragettes, la condition féminine est à l’ordre du jour une fois l’an depuis 1977. Assez d’Histoire : vous êtes de tout temps nos zégales, point barre. On regrette que cette évidence nécessite une piqûre de rappel institutionnalisée. Commémorationnite typique du mouton ! C’est vrai, on peut très bien se couvrir de cadeaux en dehors de la journée internationale du Jésus. Et éviter de suer comme des malades sous l’uniforme du 14 juillet, jour de la quéquette en avant.

A ce propos, mettons-nous dans la tête du violeur de base (c’est pas la place qui manque) : un forfait toutes les huit minutes peut-il être remis à demain ?
Belettes, méditez là-dessus et trouvez le moyen de bloquer son éphéméride au 8 mars.

 

Or donc, comment célébrer ce jour comme il se doit ? Hors manifs, le site http://8mars.info propose des réponses pas toujours exemptes des clichetons sexistes qu’il prétend pourfendre dans le « camp d’en face » :

épingler les machos, rester sous la couette afin de les fuir (mais qui vous dit qu’un spécimen ne s’y est pas glissé ?) ;

refuser les fleurs qu’on vous offre vu que la St-Valentin date d’il y a trois semaines (venez pas vous plaindre après ça que votre fleurissement laisse à désirer) ;

porter le ruban blanc en signe de protestation contre les violences faites aux femmes (on se tue à vous le dire : votre genou dans nos khôuilles = peinardes pour un bout de temps) ;

lécher les vitrines, organiser un repas entre nanas, laisser le balai dehors (misère de misère, on se croirait chez Chouchou et Loulou) ;

– tirer à vue lorsqu’on vous sert du mademoiselle (c’est vrai, c’est au moins aussi déshonorant que de se faire appeler jeune homme).

 

Faudrait voir à marquer le coup pour de bon, non ?
En faisant par exemple concorder les festivités avec une journée mondiale sans religion ; on connaît deux-trois gonzesses dont ça règlerait le problème.
Ou à l’instar des voisins, au nombre desquels l’Algérie et l’ex-Union soviétique (car petit-rappel-historique-on-n’y-coupera-pas, c’est à Lénine qu’on doit la première journée internationale des femmes) : férié ce jour !
Ho pis les 364 journées de l’homme aussi dans la foulée, histoire de danser sur un pied d’égalité.

Balles neuves, ma p’tite dame.

 °  °  °

Lectrice, lecteur, s’il te semble avoir déjà lu ce qui précède, c’est normal :
tu en prendras tous les 8 mars pendant 365 ans. Ah ah si, c’est comme ça.

 °  °  °

Traits pour traits

 

La chose est tenue secrète par les historiens de l’art et autres exégètes. Ou alors ils ne l’ont pas vue, trop occupés par des broutilles. Mettons-leur donc le nez dans la fiente : neuf fois sur dix, la binette de l’artiste ressemble comme deux gouttes d’eau à celles qu’il dessine ou vice versa. A coup sûr ou presque, on retrouve dans sa patte les physionomies qui lui sont chères : la sienne, celle de ses proches ou les biftecks sur pattes des hommes préhistoriques.

 

Un petit dessin valant mieux qu’un long discours, petite galerie de portraits croisés.

 

Léonard de Vinci

Pour un œil profane, tous les visages se ressemblent chez les peintres classiques. Vu les canons de l’époque, difficile de repérer dans les traits du maître une constante qui caractériserait ses sujets, notamment son pif aquilin. C’est mal connaître le gredin, qui fait de son jeune amant Salaï un Saint Jean-Baptiste enjôleur. Au point qu’on peut lui superposer la Joconde (les jours de pluie).

 

Magritte

Là, c’est de la triche, dites-vous. Quoiqu’hyperréaliste dans le surréalisme, le René s’arrange toujours pour représenter ses personnages de dos ou face cachée (un événement dans son enfance, renseignez-vous, ça vaut le coup). D’où sort cette silhouette alors ? De pas bien loin, à l’évidence.

 

Gauguin

Pour les Tahitiennes de Gauguin, c’est encore plus franc. Forme du nez, des yeux, du visage, tout y est, s’pas ?

 

Picasso

Photographié à l’époque des Demoiselles d’Avignon. Surtout celle du milieu.

 

 

Modigliani

Et dire que certains ont besoin de la psychanalyse pour expliquer l’influence des figures féminines.

 

Chez les sculpteurs, même topo.

Giacometti

Visage(s) en lame de couteau, silhouette(s) efflanquée(s)…

 

Bartholdi/la statue de la Liberté

Pour sa statue, initialement destinée au phare du canal de Suez, Fred-Auguste se serait inspiré d’une paysanne égyptienne. Mais comparez la mine sévère du produit fini à madame Bartholdi mère.

 

Quant aux dessinateurs de petits mickeys, c’est un festival. A commencer par le premier d’entre eux :

 

Disney

Ces sourcils haut perchés, ces yeux en amande, ce sourire un peu niais n’évoquent-ils pas Pluto ?

 

Hergé

A gauche, le père d’Hergé. A droite, le fils.

 

Sfar

Le chat du rabbin ou de l’auteur ?

 

Uderzo

Et ce grand costaud aux petits yeux vifs ? Il y a du Gaulois là-dedans, par Toutatis.

 

Fred

Hum, Monsieur Barthélémy a de qui tenir, ah la la la la la la la la la la la la la la…

 

Plantu, Riss

Point n’est besoin de vous faire un dessin.

 

On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Au risque d’oublier Boileau-Despréaux :

Souvent, sans y penser, un écrivain qui s’aime
Forme tous ses héros semblables à soi-même.

S’applique aussi au coup de crayon, de pinceau ou de burin, évidemment.

 

Pas étonnant qu’Hitler ait raté sa vocation, lui qui n’a jamais dessiné que des paysages et des bâtiments.
Une certaine tendance à la misanthropie qui l’a beaucoup desservi.

 

Tu mourras moins bête

 

Certains amuse-bouche parviennent à détrôner le plat. Arte l’a bien compris, en donnant pour mission aux faiseurs de pastilles d’émoustiller le citoyen en trois minutes juste avant les programmes du soir.

Le genre est inégal. Tout est vrai… ou presque avait mis la barre très haut. Citoyen, réjouis-toi, Tu mourras moins bête. C’est ce qu’assure frontalement cette mini-série inspirée du blog éponyme, déjà exfolié en plusieurs bédés zinénarrables. Décors à l’aquarelle, trait naïf à la Larcenet, propos tendre et trash pour coller au monde vu par les enfants et au surréalisme cru avec lequel ils considèrent ce qui les dépasse.

Pour exposer des sujets aussi rigoureusement scientifiques que le boson de Higgs, la greffe de tête sur un corps ou la carence en vitamine D des méchants au cinéma (v. ci-dessous), François Morel prête sa voix au professeur Moustache.
On nous dit à l’instant que celui qui parle est vraiment le professeur Moustache. Au temps pour nous, on se disait aussi.

Derrière tout ça, faites-leur confiance, une décurie de ficeleurs et d’animateurs bien décidés à ne jamais grandir sauf si c’est pour faire rire les petits. Et leurs aînés, à demi-mot.

 

Voilà pour l’état-major mais s’il n’y a qu’une chose à retenir, c’est plutôt votre vessie, tellement secouée qu’elle pourrait bien éclater en plein salon. Ce qui, à défaut de mourir, fournirait la matière d’un prochain épisode.

 

Tu mourras moins bête sur Arte à 20h50 en semaine

180°C

 

Avec un nom aussi génial, le plus dur était fait. Que l’auteur de cette trouvaille se dénonce, il aura le droit de lécher le plat à vie.

Quand on s’appelle 180°C, on a tout compris à la cuisine. Ce bel objet – on n’ose dire « revue » tant le contenu, dense, l’allure, sublime de simplicité, incitent à le garder jalousement à l’abri du graillon – paraît deux fois l’an, à raison de 180 pages l’unité (et si y’en a un peu plus, ils vous le mettent quand même).

 

Encore une feuille de chou dédiée à la boustifaille, pestez-vous. Z’avez pas fini de faire la fine bouche ? Trois repas par jour supposent de bien savoir sous quelle table on met les pieds.

180°C les met dans le plat. Au hasard des pages du dernier numéro, on découvre les règles de la cuisine « télé-crochet », édictées par Lucifer (sic). Le ton est léger comme une mousse, à des années-lumière du dénigrement de la malbouffe façon disque rayé.
Car dans 180°C, tout est juste. Et drôle, très très très drôle. Impitoyable même, dès qu’une mode devient trop abstraite pour les épicuriens que vous êtes. A côté, le présent blog fait figure de pipi de chat émulsionné à la petite bière et brisures de roupie de sansonnet.

C’est le format « mook » – ce livre-revue reléguant les autres parutions au rang de touille-salade – qui permet cette écriture non formatée, où la connivence est dans les détails (comme le diable, toujours lui).

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Comme quoi, la cuisine, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la font. Sous le vernis du pittoresque, en autant de pages que nécessaire, on partage ainsi la vie de permaculteurs normands. Ou d’un chef étoilé autodidacte, à l’écart des sirènes médiatiques. Quant au gâteau brioché au chocolat, c’est celui de mamie Reine et pas un autre, le cliché en fait foi.

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La devise « des recettes et des hommes » annonce d’ailleurs la couleur (et avec elle le surtitre Reportages/Réflexion/Humeur/Recettes, dans cet ordre). Le tout frais Traité de miamologie, concocté quasiment comme un hors-série, prend même la peine de décrypter pour vous « les fondamentaux de la cuisine par le pourquoi », en croisant théorie (découper/assaisonner/cuire, la sainte trinité) et pratique la plus quotidienne (personne jusque-là n’avait cru bon d’expliquer pourquoi l’ail des patates sautées n’entre en scène qu’à la fin, rogntûdjû). Rien que pour ça, l’équipe des bienfaiteurs au grand complet mérite des poutous. Baveux bien sûr.

 

Ruez-vous les cocos, certains numéros sont déjà épuisés.

 

www.180c.fr

François Rollin

 

Vous l’avez entendu comme moi, le mot génie vient d’être évoqué. Ceux qui connaissent leur François Rollin sur le bout des doigts savent qu’à son sujet, ce n’est pas exagéré. A l’intention des autres, l’hommage fera office de séance de rattrapage (et épongera ne serait-ce qu’un tantinet l’immense dette que son influence fait peser sur ce blog).

 

Rappelons que le drôle aura réussi le tour de force de se forger un double, le professeur Rollin, propulsé dans la série Palace (vous avez dit « génie » ?) avant de décliner ses interventions sur scène et en pastilles filmées (Le professeur Rollin a encore quelque chose à dire). Pour situer dans quels retranchements il pousse l’absurde, écoutons-le expliquer comment retenir un code de carte bancaire, comparer la longueur des noms et adresses ou refuser de donner à un habitant de Dax la définition exacte de Dax.

 

François Rollin fait feu de tout bois. Et sur tous les supports : planches (Colères), ondes (de la Maison de la Radio à Radio Nova, le tout redécouvrable à l’envi par la grâce de YouTube) et bien sûr, papier. Ne citons que Les grands mots du professeur Rollin (dont libations, synonyme de pipi-culotte) ou les Rollinettes, couchées quasiment en une nuit et dont les amateurs de fulgurances se repaîtront ici même :

Tous les trompettistes adorent la pizza, sauf certains.

Quand il n’est pas occupé à faire l’acteur, mettre en scène, co-inventer Les Guignols de l’info ou pondre les textes de la cérémonie d’ouverture des J.O. d’Albertville, bien sûr. Même son site Internet peine à suivre.

 

Langue inattaquable, non-sens imperturbable : François Rollin est un enfant avec l’érudition d’un adulte. Le moindre de ses pas de côté est un pied de nez aux modes et aux courants d’air humoristiques. On aimerait avoir eu (et trituré) chacune de ses idées avant lui. Si c’est pas la définition du génie, ça.

 

La nouvelle année approchant dangereusement et un petit « conte » valant mieux qu’un long discours, faisons d’une pierre deux coups et roulons-nous par terre devant cet historique des fêtes du Nouvel An, automatiquement traduit de l’allemand par la magie du Web (texte intégral) :

Merci professeur Rollin. Joyeuse Silvesterparty.

 

Hauts comme trois pommes

 

C’est l’été, petit jeu (car c’est l’été) : toutes ces photos proviennent d’albums de famille de célébrités du monde de l’art, de la politique et de Dieu sait encore quel complément du nom. N’ayez crainte, pas d’entourloupe, vous les connaissez toutes. A moins d’avoir passé le siècle dernier dans une grotte, le genre île déserte.

Qui plus est, elles se ressemblent bien, là-dessus. C’est tout l’intérêt.

Si vous trouvez de qui il s’agit, l’auteur de ce blog s’engage à fournir sa propre petite photo.

 

(et toutes les réponses par la suite, si vous êtes sages)

Tout est vrai (ou presque)

 

Qu’on ne vous voie plus errer d’une chaîne à l’autre entre la fin du JT et la première partie de soirée dans un rototo de fromage. Ta-ta-ta. Personne ne vous a condamnés aux émissions bouche-trou allant de la météo à l’état du trafic en passant par le tirage du loto qu’est jamais pour votre pomme. Ni à vous enfourner (pire encore) un quelconque tunnel de pub. ARRÊTEZ ÇA, POUR L’AMOUR DE QUI VOUS VOULEZ.

Et accourez plutôt sur Arte tous les jours à 20h50 (week-end compris) zieuter Tout est vrai (ou presque). Une pastille pas consensuelle mais qui devrait faire consensus, mes moutons, car tout ce qui est fin + drôle + inventif + unique en son genre ne saurait indéfiniment vous échapper. Ce serait gâcher.

 

En trois minutes chrono, la vie et l’œuvre des grands de ce monde passe donc au tamis d’une joyeuse bande de fous furieux. Rigoureusement authentique (Tout est vrai…), chaque anecdote est prétexte à illustrer ce que raconte la voix off, sur le registre du pied de la lettre et de l’association d’idées. Au vu de la frugalité des moyens du bord (figurines, décors naïfs, accessoires de farces et attrapes manipulés sur fond blanc), c’est un pur délice. Montage et rythme à l’avenant, on ne vous la fait pas, ça tomberait à plat rapidos sans ça.

Inutile de dire qu’on apprend beaucoup et qu’on retient tout, étant donné qu’on se bidonne. Vraiment, hein ! Un rire aux éclats minimum garanti même dans les mauvais jours.

 

Des enfantillages au rendu irréprochable, Panique au village nous avait déjà fait le coup. Evidemment, comme pour les aventures de Cheval, Coboy et Indien, il a fallu bien des talents au diapason pour accoucher d’un truc pareil. Le protocole exigerait de se prosterner devant toute l’équipe en leur baisant les pieds. Plus simple : se reporter au générique de fin de n’importe quel épisode. Ben tiens, au hasard, celui consacré à Catherine Deneuve :

Tant qu’à faire, profitez-en pour passer les 28 minutes qui précèdent en compagnie d’Elisabeth Quin et de ses hôtes pour un regard pertinent et malicieux sur l’actualité. Ce qui fait que tac, (presque) plus besoin de zapper.

 

Epépé

épépé

Epépé, de Ferenc Karinthy Editions Zulma

Hep ! hep ! hep !
Souffrez qu’on vous rattrape par le colbac : vous passiez à côté d’un chef-d’œuvre. ‘Tention, le dur de dur, le vrai de vrai, que seul un cercle ridiculement restreint d’initiés qualifie de « culte ». Ecrit en 1970 par Ferenc Karinthy, inconnu au bataillon, Epépé paraît chez un obscur éditeur, Zulma, qui signe d’un Z laconique. Ajoutez à ça la nationalité hongroise de l’auteur, le découragement poindrait quasi. Hongrois, pas coréen, fuyez pas. Mais surtout journaliste, dramaturge, traducteur de Molière et champion de water-polo, voyez qu’il y a de la matière.

Sachez aussi que son précédent éditeur en France rachète les droits du roman chaque fois qu’il change de crèmerie. Pas à mettre entre toutes les mains, z’êtes prévenus. Sans jouer aux comparaisons hasardeuses, Epépé secoue façon Kafka : il y a un avant et un après.

Mais que raconté-ce ?

Très simple : croyant s’être envolé pour Helsinki, un type se rend compte qu’il atterrit dans une grande ville d’un pays indéterminé et indéfinissable, dont il ne comprend pas la langue, ni l’alphabet.
Personne ne peut l’aider en quoi que ce soit.
Et personne ne le cherche.

Sueur froide subsidiaire : le héros (le mot n’est pas trop fort, vu les nerfs qu’il faut) est un linguiste patenté (ce qui ne manquera pas de vous plaire, les gugusses). Sauf qu’évidemment, les sabirs qu’il connaît ne lui sont d’aucune utilité dans ce vase clos, hors de toute science-fiction et d’autant plus malaisé à situer…

L’argument fait penser à un mauvais rêve. L’écriture aussi, c’est là le trait de génie du gars Ferenc. Les choses arrivent et on ne s’étonne pas qu’elles arrivent. Ton neutre (et glaçant) du présent de l’indicatif. Aucun procédé stylistique, ou alors l’air de rien, comme cette splendide mise en abyme : un match auquel assiste la foule en furie (fait pas bon être agoraphobe dans Epépé) et dont sort vainqueur celui qui parvient à franchir l’obstacle en bout de stade avant que la masse ne fonde sur lui…

 

Sauvageons de passage, reconsidérez l’expression « truc de ouf », il y va de votre crédibilité.
Car l’identification est dévastatrice : on est coincé avec le héros dans sa chambre d’hôtel, dont même le numéro semble hostile. Seule la fille de l’ascenseur éveille une lueur d’espoir.
Comment tout ça va-t-il finir ? (… à vrai dire, on en est là de la lecture alors chut).

 

Antoine II Caunes

 

Il nous avait laissés en plan pour des raisons qui lui appartiennent, il revient d’entre les morts et ça le regarde derechef. On le regarde derechef vu qu’il nous appartient un petit peu, Antoine de Caunes.

Le Grand Journal se suivait jusque-là d’un œil distrait. Michel Denisot, autre figure du Canal historique, y questionnait ses invités les bras croisés avec le mordant d’une fine de claire. De temps en temps, il se tournait vers la caméra. Ça se passait sans nous.
Depuis que le goguenard a repris la barre, on revit. Il n’aura pas fallu trois jours.
Résurrection mais pas révolution : même plateau, même déroulement, quasiment les mêmes intervenants. On devine toutefois, aux regards amusés du Jean-Michel Aphatie, au vibrionnant et mimétique hommage à Didier Lembrouille dès la deuxième émission par Doria Tillier (plus miss que météo), que la requinque est unanime.
Papa est là, faisons-lui la fête.

Le plus anodin lancement, la moindre transition, c’est impalpable mais ça secoue. Toujours familier, toujours inattendu. Et quand un invité fait référence « au journal Le Monde pour ne pas le citer », qui est-ce qui le coupe aussitôt, relevant la prétérition moitié khoûillon moitié pince-sans-rire, avant de filer la vanne sur toute l’émission ?
Impensable sous Denisot, désolé.

Comme il le souligne lui-même, il y a quelque chose d’étrange à penser que les boutonneux de maintenant ne connaissent de l’intéressé que des pitreries de best of, témoignages mille fois rediffusés de l’« esprit Canal » période Nulle part ailleurs. Ces bleubites ignorent tout de l’interviewer au quart de tour et du ciseleur de mots, partagé entre absurde et pipi-caca assumé. Ils peuvent désormais combler cette lacune en direct. Pour un peu, on les envierait.
Rappelons qu’en 2007, c’est lui et personne d’autre que la quatrième chaîne vient tirer de sa retraite volontaire pour aller cuisiner Paulo de passage à L’Olympia. Petit Scarabée face au Grand. Antoine déconne et les superstars jouent le jeu. Même sa prononciation anglaise de Prisunic nous avait manqué.

 

De Caunes aborde la soixantaine. Outre que le temps n’a pas prise sur lui que c’en est passablement énervant, c’était aussi l’âge de Philippe Gildas au moment de quitter NPA. Autre siècle. Manifestement, le fils caché est resté frais comme un gardon.
D’ailleurs, dès son coucou liminaire, l’a pas pu s’empêcher d’évoquer un « monstre de Basse-Bretagne » que tout le monde aura reconnu à ses extravagantes esgourdes, photomontage à l’appui. Il a pris son air de sacripant et c’est comme si tout le monde s’était quitté la veille. Ne manquait que la moue déconfite de Gildas, celle d’il y a dix-huit ans.

Laps durant lequel le gus n’aura, de son propre aveu, « pas fait grand-chose » à part du cinéma et deux-trois cérémonies pour récompenser les collègues d’adoption.

Dis, tu nous refais plus ça, hein ?

 

Richard Gotainer

 

Ceusses qui connaissent leur loustic sur le bout des doigts… restez, maintenant que vous êtes là. Z’en serez quittes pour une cure de classiques. Les autres, il ne sera pas dit que le restant de votre vie et Richard Gotainer suivent deux routes parallèles.

Gotainer est un faiseur de chansons vachtement mésestimé, pour dire le moins. Youki, Sampa et autres Femmes à lunettes, trop potaches pour être honnêtes ? A priori bébête, qui revient à reprocher à Jean-Marie Bigard ses sketches à 8 bites/seconde, sans voir que Les expressions, La chauve-souris ou La valise RTL ne sauraient prendre une ride.

Revenons à mon Riri. Pas plus tard qu’en 2010, face aux aspirants musicologues de la Sorbonne (ben quoi ?), le coquin détourne le clicheton à son avantage, se définissant comme un « obsédé textuel ». Pirouette, une de plus. Réécoutons Halleluya ou Chlorophylle est de retour. Pas de doute, Gotainer est un génie puisqu’il entend se donner les moyens de la démesure. La gloire le rattrapera un jour. Seulement, comme il est timide, il ose pas le dire – c’est tout à son honneur.

Deux-trois citations en passant pour remettre les béotiens d’équerre. Oyère.

Elle ne planait jamais plus haut
Que le plus haut d’ses bigoudis ;

Et puis parler, ça fait du bruit
Quand l’un dit oui et l’autre non ; 

Devenu bossu tant il rit dessous sa houppelande
L’extravagant homme des lubies se dandine dans la lande.

Dans la bouche du premier venu, on flancherait limite dans la préciosité. Pas chez lui. L’hurluberlu qui sort de l’œuf assimile houppelande, guingois, mastodonte, hure, galure, itou comme le meilleur miel. Fluidité de la langue servie par un chant au-dessus de tout soupçon, quelque brise-cou que soient les saloperies merveilles réservées par ses compères mélodistes* (surprises garanties à la millième écoute). Notre homme te me vous enquille ça avec un naturel à tomber par terre. Moitié de rire, moitié de jalousie, il faut bien le dire.

chants-zazousLe taquin et la grognon, les Contes de traviole au grand complet, les « quatre saisons » de Chants Zazous, autant de chefs-d’œuvre que ne terniront pas redites et fourvoiements. Car qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre (puisqu’apparemment, faut tout vous expliquer, aujourd’hui) ? Rrrrrréponse : impossible de repérer, du texte ou de la musique, lequel s’est pointé en premier. Imaginez Yesterday ou Avec le temps sous un autre habillage : c’est siamois, tout ça.

D’ailleurs, à quel interprète doit-on de se lever tous pour Danette, de siffler Belle des Champs et de tenir la patate grâce à « Vittel, buvez, éliminez » ? Message et ritournelle bras dessus bras dessous pour toujours, l’exercice est évidemment dans les cordes du garçon.

Lequel aura réussi, sous couvert de déconnade, à rendre l’amour des mots et l’amour des sons hautement contagieux.

Vive Gotainer.

Et vive la Gaule.

* Le bonjour (à genoux) à Celmar et Claude, sans qui…