Comment chanter avec ses tripes ?

 

Si vous projetez d’exposer votre filet de voix, chanter avec vos tripes est la condition sine qua non. Entourage, mentor, jury quelconque, à charge pour vous de les « entraîner dans votre univers » avec toute la conviction et/ou le coffre possibles. Autrement dit, vos tripes doivent les faire tripper, ou alors c’est pas la peine.

 

Mais comment laisser s’exprimer organes et viscères ? Il n’existe pas de mode d’emploi. Sans doute pour ne pas heurter la sensibilité des spectateurs.
De cette alchimie mystérieuse dépend pourtant le succès de votre carrière. Mettez donc toutes les chances de votre côté.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en interprète civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

♦  Evitez la tripe pré-cuite, mauvaise imitation de la tripe industrielle qui elle-même ne suscite aucune émotion (autre que des émotions industrielles). Idem pour les intonations de la voix, qui ne supportent pas la contrefaçon. De manière générale, laissez les affaires des autres tranquilles, vous avez déjà assez à faire avec les vôtres.

 

♦  Choisissez le meilleur tripier de la région et dévalisez l’officine. C’est bien le diable si votre prestation, accompagnée de tripes à la mode de Caen top moumoute, ne rafle pas tous les suffrages.

 

♦  Chantez avec vos tripes, on se tue à vous le répéter. Privilégiez la vésicule biliaire, au rendu incomparable.

 

♦  Reléguez le micro au placard une fois pour toutes et remplacez-le par du foie ou du rein. Pensez à en avertir le preneur de son, car le raccordement des artères nécessite du doigté.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment faire une chouille à tout casser quand on est un radin fini ?

 

Anniversaire, événement marquant, climat barbecuesque, ce ne sont point les occases de festoyer qui manquent.
Seul hic : vous êtes un(e) rapia notoire.
Cela doit-il pour autant vous empêcher de mettre les petits plats dans les grands ?

 

S’il vous reste des amis (car l’amitié a parfois ses mystères), ne lésinez pas sur les moyens et, sans faillir à votre réputation, garantissez-leur une bamboula dont ils garderont un souvenir intact.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en pingre civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Ne prenez pas tout en charge. L’altruisme étant la plus noble des qualités, invitez vos hôtes à participer équitablement aux frais de la nouba. Attendez néanmoins la fin d’icelle pour leur envoyer la note.

 

♦  Un hérisson dans le porte-monnaie ? Sortez-le précautionneusement et installez-le au milieu de la rue. Rigolade assurée au moment où les pneus de vos convives tâcheront d’éviter l’animal.

 

♦  Prévoyez les festivités chez quelqu’un d’autre tout en passant officiellement pour l’organisateur. Vous aurez ainsi l’immense satisfaction de ne pas devoir passer l’aspirateur avant ni après.

♦  Plutôt que d’investir dans des lampions par trop rebattus, lancez-vous dans l’élevage de lucioles. Une fois la fiesta finie, offrez-les au hérisson, juste récompense pour avoir survécu.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment choisir son aphrodisiaque ?

 

De même que tout est politique, tout est aphrodisiaque – s’il faut en croire ceux qui sous le manteau vous le présentent comme tel. Méfiez-vous, un bon vendeur à la sauvette est capable d’écouler n’importe quelle camelote pourvu qu’elle se pare des vertus susnommées.

Et il y en a de toutes sortes, histoire de contenter Monsieur et Madame. Notez que neuf fois sur dix, c’est Monsieur qu’on charge de faire grimper Madame au rideau. Ceci tient sans doute au fait que le vendeur est rarement une vendeuse.

Quant à vous, membre de la « communauté LGBQT », passez votre chemin : c’est bien connu, vous n’êtes pas concerné(e).

 

Si vous êtes porté(e) sur la chose, point n’êtes-vous pour autant spécialiste des petits coups de pouce du destin. Comment savoir avant de l’essayer si la marchandise (qu’en temps normal vous jugeriez inoffensive) aura le moindre effet sur les ngolo-ngolos à venir ?

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en bonne poire civilisée.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  L’aphrodisiaque se présente généralement sous forme de plante ou d’aliment. Si l’on vous parle des phases de la lune, c’est sûrement au figuré.

♦  En vue de votre daube dominicale, exigez du boucher qu’il ait du lapin australien, réputé plus chaud encore que ses congénères continentaux.

 

♦  Si l’on vous propose un vieux frigo pour pimenter les préliminaires, il est fort probable qu’on cherche en réalité à vous le fourguer en désespoir de cause. Vérifiez au moins l’état des clayettes.

 

♦  Une vitrine ou un miroir de poche suffiront, dans lesquels vous vous mirerez avec votre tourtereau. Dans le cas contraire, faites, sinon vie, du moins chambre à part et restez bons amis en souvenir du bon temps.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Par quel métal récompenser le quatrième ?

 

Depuis sa première compète, le quatrième se voit systématiquement attribuer la place du khôn. Au motif – tenez-vous bien – qu’il échoue au pied du podium. Il suffirait d’élargir les podiums pour contenter tout le monde, non ?
En plus, à ça de la troisième place, le pauvre mérite les honneurs au même titre que ses devanciers.

Du reste, on le sait depuis Mendeleïev et sa classification des éléments, ce ne sont pas les métaux qui manquent.

 

Vous qui faites partie de l’organisation, un bon geste. Le chocolat n’entrant pas dans le tableau susdit, il doit sûrement y avoir une médaille à la hauteur des efforts de l’autre tache.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en juge civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Choisissez un métal assez rare pour faire bisquer les trois premiers : tungstène, osmium, bismuth… Il n’est pas jusqu’au vainqueur qui n’accuse le coup.

 

♦  Pour peu qu’il pleuve lors de la remise des médailles, or, argent et bronze s’oxyderont de manière irréversible. Votre quatrième larron, lui, ne sera pas volé, avec sa médaille en inox.

 

♦  Demandez à la commission des météorites d’extraire des métaux inconnus (et donc extra-terrestres) en quantité suffisante pour une breloque. Façon d’ironiser au passage sur les performances surhumaines du trio de tête.

♦  Pourquoi s’arrêter au quatrième ? Couronnez comme il se doit les cinquième, sixième et tous les concurrents jusqu’au dernier (médaille de plomb). Vous respecterez ainsi l’esprit de Coubertin : l’important, c’est de participer.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment aider la tête de khôn qui jette tout à côté ?

 

Elle s’arrange toujours pour sévir quand vous avez le dos tourné. Pour une fois, dès qu’elle fait mine de laisser ses immondices par terre à un mètre de la poubelle, prenez votre tête de khôn favorite en flagrant délit.

Au bénéfice du doute, elle n’a pas les yeux en face des trous. Un dernier scrupule peut alors vous pousser à la prendre en pitié. N’oubliez pas qu’à l’instar de Miss France, tête de khôn, c’est 24 heures sur 24. Le supplice doit être terrible.

 

Cependant, ne perdez pas votre temps à lui faire la morale en évoquant dame Nature ou le savoir-vivre le plus élémentaire. Ne lui trouvez pas non plus de circonstances atténuantes du type tendance provocatrice ou phobie des poubelles.

Restez d’un calme olympien et tout ira bien.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en écolo civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Le plus simple serait déjà de rapprocher en un éclair la poubelle d’un mètre. Ou, car elle devait sûrement déborder, d’en déverser le contenu aux pieds de la tête de khôn façon lisier d’agriculteurs en colère.

 

♦  Quoi qu’elle ait laissé choir (blister de paquet de cigarettes, blister de paquet de clopes, blister de paquet de cibiches, au hasard), ramassez-le et remettez-le-lui dans sa poche. Ce sera toujours plus propre respectueux qu’à même le sol.

♦  Il ne suffit pas d’imaginer en faire autant chez elle : faites-vous inviter chez votre tête de khôn et transformez sa cambuse en dépotoir. Joignez l’utile à l’agréable en faisant vos besoins au milieu du salon.

 

♦  Puisque par terre est considéré comme poubelle, emmenez la tête de khôn en mer et observez ses réactions. Il y a de fortes chances que ses détritus volent par-dessus bord, faute de poubelle cette fois. Prenez les mesures qui s’imposent et faites-lui suivre le même chemin.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

Comment atterrir sans piste d’atterrissage ?

 

Ainsi que le Grand Scénariste l’a décidé (si tant est qu’il soit assez khôn pour vous fourrer dans des draps pareils), vous devez atterrir d’extrême urgence. Or il n’y a pas de piste où vous poser.

Vous ne vous êtes tout de même pas tapé des années d’études et des batteries de tests en veux-tu en voilà pour vous crasher comme un vulgaire kamikaze.

 

Les terres atterrissables se font rares. Tant que ce paramètre vous échappe, vous aurez beau manier votre engin comme un dieu, personne ne viendra vous applaudir à l’arrivée.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en casse-cou civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Si c’est une blague de vos amis aiguilleurs du ciel, elle est de très mauvais goût. Encore un coup comme ça et vous vous arrangerez pour leur sucrer leur paye à la fin du mois. Chacun son tour.

♦  Volez en contre-Canadair et brûlez tout ce qui traîne au-dessous. Au deuxième passage, vous pourrez sortir le train d’atterrissage.

 

♦  On ne pense jamais à l’hydravion. Et c’est injuste car cette merveilleuse invention tient compte d’un principe simple : autant amerrir sur les 70% d’eau qui composent la planète. Evitez juste les quarantièmes rugissants ou alors vous le faites exprès.

 

♦  Vous êtes bien difficile. Pourquoi vous faut-il absolument un tarmac à n’en plus finir ? A défaut de piste assez longue, augmentez la puissance de freinage, avec des freins d’autobus par exemple.

 

♦  Prenez place à bord d’un modèle miniaturisé, du type de ceux qui vous donnèrent la vocation lorsque vous mangiez encore vos crottes de nez. Demandez à ce qu’on vous largue pas trop loin de chez vous et si possible sur le rebord de la fenêtre de votre chambre car vous êtes vanné(e).

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment sortir de l’œuf et de la poule ?

 

Du temps où vous n’en meniez pas large derrière un volant, votre moniteur d’auto-école vous semblait la personne la plus apte à vous enseigner l’art de la conduite, le dépositaire d’un savoir ancestral.

Mais d’où tirait-il son autorité suprême ?

De son propre instructeur, nourri de l’expérience de ses prédécesseurs et ainsi de suite.

 

Sauf que holà holà ho.

Celui qui vous apprend a non seulement appris lui-même mais a appris à vous l’apprendre. Et celui qui lui a appris a dû être formé pour.

Or, le moteur seize soupapes n’a pas toujours existé. Historiquement, il a bien fallu qu’un casse-cou à qui personne n’avait rien inculqué s’élançât à l’assaut des nids-de-poule. Bientôt suivi de pionniers trop heureux de rouler sans permis et sans code sur lequel pisser à respecter.

 

Là, ça va parce qu’on arrive mentalement à remonter avant le Big Bang, bruit de la tôle froissée depuis l’origine. Mais en matière de passage de relais, l’aporie guette tôt ou tard.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en métaphysicien civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Admettez humblement que rien n’est linéaire et que l’humanité progresse par à-coups. Ainsi, malgré l’emballement technologique de ce siècle, ne connaîtrez-vous probablement pas la téléportation, échappatoire imparable au boulet qui surgit à l’horizon.

♦  Avez-vous jamais songé au nombre d’essais nécessaires à l’obtention de la toute première mayonnaise, sans aucune idée préconçue quant au résultat recherché ? S’il avait fallu attendre qu’une recette de grand-mère tombe toute cuite dans le bol, vous les boufferiez nature, vos crevettes, à l’heure qu’il est.

 

♦  De même, mesurez le culot (et, disons-le, l’inconscience) de la première créature ailée au moment de se jeter dans le vide, sans élastique et sans mode d’emploi. Dites-vous bien qu’elle n’eut droit qu’à un seul essai, contrairement à ces vils copieurs de frères Wright qui flinguèrent prototype sur prototype.

 

♦  La bipédie, voilà un flambeau transmis de génération en génération depuis la nuit des temps. ‘Tendez, vous nous faites marcher. Le premier hominidé, qui lui a montré comment faire, à çui-là ? Certainement pas son grand singe de père. Probablement un grizzly apprivoisé.
Reste à savoir quel dresseur d’ours il faut remercier.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment se faire élire chef des fous ?

 

Cet honneur échoit bien sûr au plus fou d’entre les fous. Et vous l’êtes assurément, car il faut être fou pour penser que les fous auraient besoin d’un chef, désigné dans les règles de l’art qui plus est.

Les fous n’en font qu’à leur tête, n’écoutent que leur folie. Il n’y a pas plus anar que les fous.

 

Et puis reste à voir sur quel programme vous faire élire. Les fous n’attendent pas d’un chef qu’il les ramène à la raison, puisque c’est le chef des fous.

 

Sans parler des irrégularités susceptibles d’entacher le scrutin. Comment tenir compte de ceux qui grimpent aux isoloirs, mangent leur bulletin de vote avec de la moutarde et recrachent le tout dans les cheveux des assesseurs ? Ou, plus fou encore, ne se déplacent pas aux urnes ?

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en candidat civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Pour être sûr d’obtenir le suffrage de tous les fous, promettez-leur des trucs de fous : zéro fou dans la rue avant la fin de l’année, égalité fous/folles et bien sûr, rumba obligatoire avec le personnel soignant.

 

♦  Au diable l’élection. Inspirez-vous des grandes figures historiques et proclamez-vous empereur des fous. On parlera encore de vous dans deux cents ans.

♦  Flattez les bas instincts des fous. Puisqu’il faut toujours un bouc émissaire, déclarez la guerre aux ennemis jurés de votre communauté que sont les sains d’esprit.

 

♦  Les fous n’aspirent qu’à une chose : un asile tout neuf. Agrandissez l’ancien et poussez les murs. Plus on est de fous, plus on rit.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment faire les poches quand ce n’est pas la discrétion qui vous étouffe ?

 

Etre pickpocket ne s’improvise pas. Sang-froid, ruse, sens du timing… Le plus important étant de ne pas se faire remarquer.

Autant vous dire qu’avec vos gros sabots, vous n’êtes pas taillé(e) pour le rôle. On vous repère à cent mètres. Sur votre passage, tous les chiens méchants du quartier se mettent à aboyer. Vous feriez fuir un courant d’air.

 

Pour passer inaperçu, le mieux est encore de vous terrer chez vous. Mais c’est dans la rue que tout se joue ; jamais vos proies n’accepteraient de se déplacer à domicile, seul endroit où vous soyez capable de faire diversion. Et quand bien même, en réalisant sur le pas de la porte qu’on viendrait de les dépouiller, elles feraient vite le rapprochement avec l’occupant des lieux.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en chapardeur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Foutu pour foutu, autant opérer de front en annonçant clairement la couleur, façon bourse ou la vie. Comme vous ne supportez rien tant que l’injustice, laissez votre carte de visite, comme le plus vulgaire terroriste.

 

♦  Stratagème éculé mais qui a fait ses preuves : désignez quelque chose du doigt en faisant « oh ! » et profitez de ce que votre cible détourne le regard pour lui retourner le veston de fond en comble. Comme vous avez aussi deux mains gauches, veillez à ne pas laisser votre bras coincé dans sa manche.

 

♦  Marche aussi avec la variante : « t’as ton lacet défait ». En s’agenouillant, la cible vous offrira quasiment le contenu de ses poches. Comme en plus vous n’avez jamais de bol, il se sera éparpillé aux quatre vents par ce qui reste de couture.

♦  Baguenaudez en tutu ; on ne s’étonnera pas de vous voir arriver sur la pointe des pieds.

 

♦  Tout l’intérêt réside dans l’adrénaline que procure le danger. Si l’effet de surprise de votre venue est gâché, le danger, lui, est toujours présent. Augmentez vos chances de frissons en jetant votre dévolu non pas sur une dame âgée ou un touriste distrait mais sur de gros malabars à l’œil torve et aux biscottos bien saillants. Vous ne le regretterez pas.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.