Quelque part

 

Tant que « quelque part » ne sera pas éradiqué, n’oubliez pas de vous protéger. Sans quoi c’est un boulevard pour l’épidémie, quelque part.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Une fois jarretée la formule, mesurez le taux de perte de sens de la phrase. Si vous estimez le chiffre à plus ou moins 0 %, le test est négatif : vous êtes porteur sain. Mais restez sur vos gardes.

 

Parce que quelque part, si on colle du « quelque part » à tout ce qui bouge, c’est quelque part moins pour sa valeur ajoutée (nulle, on l’a vu) que pour apporter une nuance quelque part.
Reste à savoir laquelle.
En tout cas, elle est forcément « quelque part ». Mais où ? « Au fond », comme on dit sur France Culture. Sinon, l’endroit exact est laissé à la libre appréciation de l’interlocuteur. Lequel apprécie peu, généralement, voire ferme les yeux avec une indulgence coupable.

 

Eeeeeeeeh oui, encore un symptôme de la non-confiance en nos mots (donc en nous-mêmes) qui va du simple pléonasme à l’anglicisme à côté de la plaque.

 

Tenez, transposons « quelque part » en anglais. Nos amis Albionnais, s’ils y tenaient vraiment, diraient somehow plutôt que somewhere. De fait, l’équivalent le plus courant de « quelque part » est « d’une certaine manière », autre locution superflue s’il en est : tout se passe toujours d’une certaine manière, comme tout est nécessairement « quelque part ». Et ce ne sont pas les bordéliques astrophysiciens qui nous contrediront.

 

Enfin, on ne le dira jamais assez, les foyers dormants du virus favorisent sa mutation. Pour ceux atteints du fameux « à quelque part », aucun espoir de guérison. Préventivement, mieux vaut abattre tout le troupeau. Ou leur administrer des avoines :
a) à dans la tronche,
b) à dans la gueule,
c) à là où je pense.

Merci de votre attention.

 

Faire l’amour à ou avec ?

 

Faites vos cochonneries comme vous voulez. Toute la question est de savoir avec qui ou à qui. Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, zou.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Dans l’absolu, faire l’amour suffit. Ça se complique dès que les prépositions entrent en jeu.

Quiconque fait l’amour à machin, à machine, à la plage (aou cha-cha-cha) insiste sur sa performance au risque d’éluder ceux qui restent.
Sous ses airs généreux, à se regarde le nombril et le méridion.

 

Avec est plus altruiste, qui introduit une notion de compagnie (si rapprochée à ce stade qu’il faudrait plutôt parler de rage d’intimité).
Or, qui dit avec dit « côte à côte » : position non répertoriée.
À, lui, fait face, qu’il soit en dessous ou au-dessus (ou alternativement). Foutrement plus pratique.

Autre hic : les verbes à haute teneur en sel font également appel à avec. Ainsi baise-t-on avec machin/machine (mais toujours à la plage [aou aou]). Caractère volage qu’on ne retrouve pas dans l’engagement total propre à à.
Il arrive même que l’on baise directement la personne sans s’encombrer des bonnes manières. Heureusement, en lui faisant l’amour, l’acte regagne ses lettres de noblesse.

 

Les Zanglais ont l’air moins zembêtés, avec leur « make love to ». C’est oublier qu’ils disposent aussi de « fall in love with », réciprocité que n’implique pas à.

 

Pour éteindre la controverse, liquidons plutôt le stock prépositionnel :

faire l’amour dans [machin/machine] : un peu cru mais assez parlant ;
hors : encore plus indélicat mais sans risque ;
chez : situe l’action mais peut prêter à confusion ;
jusque : une fois passée la première rigolade, libère sa saveur poétique ;
sur : uniquement si vous êtes au-dessus. Marche parfaitement à/avec la plage en revanche.

Merci de votre attention.

 

Début

 

Au tout début, personne ne s’en rendait compte, la suite ne s’étant pas encore produite. Où l’on voit qu’un bon début n’est rien sans un milieu et une fin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Début, débuter, débutant, rien que de très connu dans nos provinces. Les Albionnais, eux, l’utilisent non dilué en parlant du debut album d’un artiste.
Chez eux, le dico avertit même charitablement :

Début can only be pronounced as French, and should not be used by anyone who shrinks from the necessary effort.

And toc.

 

Paradoxe à part, le mot est assez tardif. Débuter fait ses débuts en 1547 au sens de « déplacer, écarter du but la boule d’un autre joueur ». Ce qui a sans conteste le don de lui mettre les boules.
D’où, en 1640 :

jouer un premier coup pour savoir qui commencera la partie.

Autant dire qu’on ne touchera pas au but tant qu’on ne touchera pas au but.

 

Il est assez piquant que but constitue une fin en soi. Ce qui, au début, n’était pas gagné. Fin XIIe, début XIIIe, les chrysalides de but ne laissent quasiment entrevoir que pouic de leur splendeur future : a rebutons, « à tort » ; bute, butée avant l’heure. Celle-ci témoigne, comme arc-bouter entre autres, du joyeux méli-mélo qui règne au sein des familles de but et de bout. Quant à la vieille locution « de but » (« d’emblée, tout de suite »), si elle tient encore debout, c’est sous la forme « de but en blanc ».

 

Anglais toujours, le « cul » local butt, s’il n’est pas nécessairement le but ultime dans la vie, n’en est pas moins un fameux bout.

Moralité : mieux vaut un bleu bite qui débute qu’un bleu butt buté.

Merci de votre attention.

 

Aisselles de deux jours

 

Dans le style m’as-tu-vu des rasoirs à plein de lames, les déodorants clament désormais 48h d’efficacité. Leurs confrères à usage quotidien n’ont plus qu’à aller se rhabiller – avec des auréoles là où je pense.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

D’où sortent ces super-déos ? Testés sur des souris, probablement. Mais les souris ont beau s’agiter dans tous les sens, elles ne transpirent point. Pas plus que tout le règne animal c’est vrai ça (sauf les clebs un peu, par la truffe).
L’argument de vente fait donc pschitt, comme le spray.

 

« 48h » ? Pas de déo un jour sur deux (c’est ça que ça veut dire).

Mais alors, là où y’a d’l’hygiène, y’a pas d’plaisir ? Plutôt agréable au contraire, cette oxygénation des cavités. Vaporisée, la caresse devient même sonore. Et puis sans fraîcheur Narta, à quoi rimerait toute cette chorégraphie d’abord.

 

« 48h » : désodorisation en marche même le deuxième jour.

Diantre fichtre foutre. En principe, nous nous lavons 7 jours sur 7, 365 jours par an (sauf exemptés ou phacochères de service). Ce qui inclut à chaque fois les aisselles, zones sudoripares par excellence. Z’allez pas me dire que le déo de la veille résiste à un rinçage plus un essuyage consciencieux ? A moins qu’on puisse se dispenser de se récurer à cet endroit-là ? Si c’est le cas, la notice devrait l’indiquer, faute de quoi les clients mécontents iront se plaindre à la maison-mère. En poquant épouvantablement.

 

A supposer même que les super-déos agissent vraiment deux fois plus longtemps, les fabricants se tirent une balle dans le pied, à bout touchant : on en achètera deux fois moins, de leur bazar. Antiperspirant ? Antiperspicace, oui.

 

Imaginez un dentifrice du même tonneau, doté de super-pouvoirs éliminant le caca de dents pour toute la journée (48h, c’est pas pour tout de suite). Trois repas sans vous rafraîchir le four, vous vous rueriez, vous ?
Zindustriels, vous pouvez toujours vous brosser.

Merci de votre attention.