Par quel métal récompenser le quatrième ?

 

Depuis sa première compète, le quatrième se voit systématiquement attribuer la place du khôn. Au motif – tenez-vous bien – qu’il échoue au pied du podium. Il suffirait d’élargir les podiums pour contenter tout le monde, non ?
En plus, à ça de la troisième place, le pauvre mérite les honneurs au même titre que ses devanciers.

Du reste, on le sait depuis Mendeleïev et sa classification des éléments, ce ne sont pas les métaux qui manquent.

 

Vous qui faites partie de l’organisation, un bon geste. Le chocolat n’entrant pas dans le tableau susdit, il doit sûrement y avoir une médaille à la hauteur des efforts de l’autre tache.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en juge civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Choisissez un métal assez rare pour faire bisquer les trois premiers : tungstène, osmium, bismuth… Il n’est pas jusqu’au vainqueur qui n’accuse le coup.

 

♦  Pour peu qu’il pleuve lors de la remise des médailles, or, argent et bronze s’oxyderont de manière irréversible. Votre quatrième larron, lui, ne sera pas volé, avec sa médaille en inox.

 

♦  Demandez à la commission des météorites d’extraire des métaux inconnus (et donc extra-terrestres) en quantité suffisante pour une breloque. Façon d’ironiser au passage sur les performances surhumaines du trio de tête.

♦  Pourquoi s’arrêter au quatrième ? Couronnez comme il se doit les cinquième, sixième et tous les concurrents jusqu’au dernier (médaille de plomb). Vous respecterez ainsi l’esprit de Coubertin : l’important, c’est de participer.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Presque

 

Quasiment, environ, à peu près, pratiquement : voilà presque tous les synonymes de presque. Le côté docte du premier, flou du suivant et le mimétisme phonétique des deux restants nous font préférer l’original pour la conversation courante. C’est comme ça, c’est le destin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Au chaud dans nos dicos depuis 1694, l’adverbe a su attendre son heure.
Au début du XIIe siècle, « a bien pres » le préfigure. Suivi de près par « près ne », comme dans l’exemple sentant le vécu :

tant l’ai sachié, près n’ai le cuer crevé.

« Bien » s’invite toujours vers 1165 dans la locution « bien pres que », devenant en l’espace de quelques piges « pres que », comme dans l’exemple sentant le PQ :

pres qu’il ne chiet de sor la planche.

L’accent grave de près, quand on y zieute de près, n’y était point, à l’époque. Par conséquent, presque y était presque, apparaissant d’un seul tenant dès 1393.

Autrement résumé par le Robert, presque est une simple

soudure de la locution ancienne « près que ».

Mais mais mais, c’est le même coup qu’avec puisque !

Et que dire de parce que ?

 

Puisque presque = « près que », l’on ne vous fera pas l’injure de vivisectionner près puis que, sinon y’en a pour des plombes.
Parce que c’est vous alors.

Près est le sosie de son homologue latin presse, issu de pressus, « pressé, serré » (l’idée de promiscuité jouxtant celle de proximité).
Quant à que, on peut dire que nous autres ne nous sommes pas escagassés outre mesure en fusionnant dans cet épatant petit pronom les quia, quem, quam, quae, qua et autres quid du même latin.

 

A noter que l’élision du e à la fin de presque n’a cours que dans presqu’île, cette « pas tout à fait île » qu’une langue de terre rattache au continent.
A noter que le mot du jour remplace la locution « pas tout à fait » plus qu’avantageusement.

Merci de votre attention.

 

Louper

 

Louper : verbe familier depuis la plus tendre enfance. Davantage que ses synonymes manquer et rater, certes. Mais toutefois moins que foirer, merder ou le lorrainisant zabler, lequel donne lieu à de cocasses allitérations :

J’ai zablé la pâte sablée.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Louper dédramatise. Au constat d’échec qu’il dresse, on est souvent tenté d’ajouter « c’est pas grave ».

Sa silhouette élégante est due tout khônnement au loup, mes loulous. Il faut dire que la pauvre bête n’a pas bonne presse. On l’accable de tous les maux, lui colle du péjoratif à tout-va. Que ce soit en médecine (« lésion cutanée ulcéreuse »), au sein de considérations météorologiques (« un froid de loup »), au théâtre (« lacune, trou »), chez les bricoleurs (« pince pour arracher les clous »), dans le textile (« appareil à grosses dents métalliques servant à battre et briser la laine »), en technique (« malfaçon, défaut ») et plus particulièrement dans la sidérurgie ah Lorraine quand tu nous tiens (un « loup de fonte » : masse minérale mal fondue qui risque de provoquer une obstruction et la gueulante du chef).
Tant et si bien qu’au XIXe, les typographes entendaient par « louper une pièce » « mal exécuter un travail ». Depuis 1915, le verbe signifie plus généralement « manquer à la suite d’un retard ». Et quoi de pire que de louper son bus, je vous le demande ? Louper le suivant.

Les acceptions de loup au sens de « malfaçon » se sont vues supplantées par le substantif loupé (par analogie avec raté sans doute) :

Sa carrière a connu des loupés.

Ce loup au figuré, les bons dicos se tuent à le dire, relève probablement « de la notion de manque, de tort qui découle de celle d’agression, de rapacité » qu’on attribue à l’animal à travers les âges et les continents.

 

Suivons les traces du lupus à la loupe : on a tôt fait de tomber sur l’indo-européen commun wlp-/lup- qui a accouché à la fois de notre loup et du wolf des Anglais/Teutons (via le proto-germanique wulfaz).
Une internationale lupiforme qui a le mérite de nous rappeler qu’à, à, à la queue-leuleu, tout le monde s’éclate.

Merci de votre attention.