Carrousel

 

En voilà un qui respire la féerie. Voire l’hallucinogène, puisque son s unique entre deux voyelles ne fait pas [z]. Collez-lui-en un deuxième, vous vous exposerez à une avalanche de consonnes plus surréaliste encore. Râh oui, carrousel n’a pas fini de nous faire tourner en bourrique.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Tout émoustillé à l’idée de décrocher le pompon et la barbe à papa adjacente, on oublie qu’historiquement, le carrousel fut un

tournoi exécuté par des cavaliers partagés en quadrilles, consistant en courses de bagues, de têtes, avec joutes et divertissements variés à l’occasion d’une fête, d’une réjouissance publique.

Puis, par extension, un

grand jeu équestre où des cavaliers se livrent à des évolutions variées,

pour finir plus tristement en

manège de chevaux de bois.

Prudence donc si l’on essaye de vous faire monter sur un avion ou un bolide en plastique : ils ne font pas partie du carrousel.

 

C’est que le drôle ne se laisse pas zézaiement approcher. A défaut d’une origine patente, il fait penser à Caruso, c’est dire si le sucre nous colle au cerveau.

Nonobstant, on brûle : caruso désignait à Naples en plein XVIe siècle une balle en forme de « tête rasée » que se disputaient deux équipes à cheval (cf. les joutes susdécrites). S’il a fallu la ratiboiser, c’est sûrement qu’elle était toute « cariée » depuis le latin cariosus, dérivé de caries, « pourriture » ayant poussé sur la racine indo-européenne ker, « détruire ».

Restait plus audit jeu qu’à prendre officiellement ses fonctions en tant que carusello, devenu carrousel chez nous, sans doute sous l’influence de « carrosse » et de ses canassons.
Terminus, tout le monde descend.

Merci de votre attention.

 

C’est une chanson qui nous ressemble

 

Thelonious Monk à l’arrêt de bus. Hot stuff au guichet façon Full Monty. Le petit bonhomme en mousse en plein conseil d’administration. On est bien peu de chose. Face aux chansons crampon qui s’agrippent telles des bouchots à leur rocher, ne pas céder à l’énervement. Et surtout, ne pas chercher à comprendre.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Le mode opératoire est pourtant connu : avant d’attaquer, la chanson crampon repère toujours l’instant propice où l’esprit vagabonde. Ma préférence va, et de loin, à la chanson d’aspirateur. J’en vois qui acquiescent, on en a tous des dizaines. Y a-t-il rien de plus jouissif que de braver à tue-tête le sourd continuo de la bête ? Essayez, zhommes qui n’en branlez jamais une, vous m’en direz des nouvelles.

Poussez même l’expérience plus avant en vous écoutant faire : la chanson n’arrive jamais à son terme. Au contraire ! Ce n’est qu’un extrait, un seul vers parfois, qui passe par vous en boucle. Ou plutôt une image mentale de l’œuvrette dans sa globalité, orchestration comprise, encapsulée dans ce riquiqui passage.

Singularité de l’escarbille, délectation du disque rayé !

Et plus le leitmotiv paraît incongru, plus il surgit sans crier gare. D’ailleurs personne n’est de taille à lutter, chut ! c’est l’inconscient qui cause, le libre-arbitre n’a plus qu’à raser les murs. La preuve, c’est que la chanson fond sur sa proie sans nécessairement que celle-ci y ait été exposée, ni le jour J, ni les précédents…

Notez toutefois qu’entre la partition que vous souffle votre for intérieur et vos pensées les plus enfouies, l’écho reste suffisamment lointain pour ne pas vous compromettre. Ça est drôlement bien foutu.

 

Il me souvient d’un damoiseau ayant eu vaguement dans le viseur une certaine Elisabeth. En ce temps-là faisait rage sur les ondes un tube dont le refrain scandait :

Everyday is a winding road
I get a little bit closer

Que croyez-vous qu’il advînt ? On fit remarquer au jouvenceau, que l’air lancinait, le cousinage cocasse entre

I get a little bit closer

et

I get Elisabeth closer…

La fille disparut aussitôt qu’elle était venue ; Sheryl Crow, elle, demeure.

Merci de votre attention.