Jusqu’où s’arrêteront-ils ?

 

Fabricants d’électro-ménager, constructeurs automobiles, machinistes œuvrant globalement pour notre feignantise bien-être au quotidien, sauf votre respect, vous surchauffez du bulbe. Exactement comme les engins issus de votre savoir-faire.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Nous sommes d’accord, depuis que le petit déj est petit déj, le grille-pain est réglé de telle sorte que vos tartines croustillent juste ce qu’il faut dans leur habit mordoré. Soit, grosso modo, à la moitié des capacités du bidule. La notice confirme qu’au-delà de 3, vous les exposeriez aux flammes de l’enfer. A 6, aucune chance d’en réchapper : c’est du carbone.
Autant dire que vous avez payé plein pot pour un compagnon du matin au design certes agréable et aux couleurs pimpantes mais à demi-inexploitable. On ne portera pas un toast à pareille aberration. La logique voudrait que vous le rameniez au magasin et exigiez la ristourne correspondante.

 

Quant au frigo, une fois manipulé le thermostat en tous sens pour voir si c’est vers là ou vers là qu’il fait plus froid, mettez-le donc au taquet ; cryogénisation assurée. Une semaine de courses bonnes à jeter aux ordures.

 

Sitôt quignons et yoghourt avalés, vous filez au turbin. A moins de subir vos semblables dans les transports en commun ou d’y aller à peton, vous grimpez dans titine. Et qu’avez-vous sous le nez ? Un compteur de 0 à 180, 220 voire 240. Pourquoi pas Mach 1 ? On est plus vite rendu.
Avouez que même très très très en retard, avec une parturiente perdant les eaux sur le siège passager ou toute autre urgence nécessitant de rouler à tomber ouvert, vous n’atteindriez pas le 180. Ne serait-ce que parce qu’aucune route dans ce pays ne tolère plus de 130 km/h.
Quel intérêt de proposer une possibilité technique sans possibilité matérielle (le lambin de devant) et encore moins légale (le code de la route) ?

Le pognon.

A l’évidence, les constructeurs sont de mèche avec les forces de l’ordre. Tentation de l’excès de vitesse constamment à la vue = caisses de l’Etat renflouées en permanence.

 

Passons sur le volume de votre chaîne hi-fi qui, poussé à fond, décollerait tympans et papier peint, faisant de plus belle marcher le petit commerce et les affaires de votre ORL.

 

Vite, des seuils qui ressemblent à quelque chose ! Sans quoi nous pleurerons bientôt sur notre dernier kopeck.

Merci de votre attention.

 

Fulgurance #66

Des millions de pots de peinture vendus dans le monde…
Si les murs étaient déjà de la bonne couleur, ça n’arriverait pas.

« Du lard ou du cochon »

 

Désarmé face à un interlocuteur pince-sans-rire, on a tôt fait de se demander « si c’est du lard ou du cochon ». Certains iront puiser dans le contexte ou chercher l’avis d’un tiers, pour mieux lever l’ambiguïté du propos. Ambigu, dites-vous ? Et si nous zieutions l’expression elle-même ?

Mais revenons à nos lardons, cochons.

Ecarquillement, révélation et décontenance : le lard, c’est toujours du cochon, dites donc. Hof oui, au hasard d’une boucherie hallal, kasher, d’un rayon de supermarché, vous trouverez bien des barquettes de « lardons » de volaille ou de canard, voire de saumon fumé ben voyons. Soyez sur vos gardes, c’est pour éviter d’écrire « finement émincé » (on a déjà essayé de vous faire le coup en dénaturant le tiramisù). Or, contrairement à ce qu’on a longtemps cru, le lardon n’est pas le fruit du lardonnier mais un petit bout de lard et le lard c’est dans le cochon, où tout est bon. A quand une AOC pour les lardons ?

Aussi, juger du sérieux ou non d’une assertion en n’ayant pour alternative que lard ou cochon revient à dire « pile, je gagne, face, tu perds » ; on n’est pas plus avancé. Jamais ne vous avait-ce frappé non plus, pendant toutes ces lunes ?

Au rang des absurdités alimentaires se faufile également « vouloir le beurre et l’argent du beurre ». Allez allez, où a-t-on observé qu’une motte de beurre disposait d’une fortune personnelle ? Avait des radis par-devers elle ? Voilà qui ne manquerait pas de sel. A l’inverse de sa voisine du dessus, la formule veut donc clairement dire ce qu’elle veut dire, à savoir désirer une chose parfaitement impossible.
Cholestérol toujours, la question « et mon cul, c’est du poulet ? » risque de rester longtemps en suspens. Le seul qui pourrait à bon droit la poser – le poulet – n’est pas doué de parole. Le serait-il d’ailleurs qu’il n’y aurait pas lieu de s’interroger : oui, son cul, c’est bien du poulet.
Quoique le terme croupion soit plus approprié. Le cul, c’est pour les cochons et ça ne donne pas de lardons, cette affaire.
Au moins un abus de langage que la Grosse Distribution n’osera pas se permettre.

Merci de votre attention.

 

Où cest quelle est ?

L’histoire des hommes est faite de points de non-retour. N’en doutons pas, dans la grande loi de l’évolution, nous serons les premiers spécimens connus de l’ère joignable. Toutes les générations à venir salueront la nôtre avec émerveillement comme la première capable de communiquer à toute heure, en tout lieu et par tous les temps, avec n’importe qui. Le téléphone portable – car c’est bien lui – est l’instrument de cette aliénation de cette extraordinaire liberté.

Loin de moi l’idée de faire de la contre-publicité pour la marque du mien (vingt contre un que toutes les marques d’ailleurs sont concernées) mais je me dois, quitte à tempérer l’émotion de nos descendants, de fulminer : il n’y a aucun moyen d’insérer une apostrophe dans un SMS.

Vous pourrez passer en revue toutes les options jusqu’aux plus reculées, le clavier se refusera toujours à vos tentatives. Ce sera l’échec, l’angoisse, la mortification. Vous aurez au passage barboté dans le cyrillique, révisé vos sigles monétaires et constaté que pas un signe de ponctuation ne manque à l’appel, y compris le point-virgule qui ne doit sa présence (on ne vous la fait pas) qu’au fait qu’il compose potentiellement un smiley.

C’est bien la peine de pouvoir envoyer instantanément sa prose au fin fond de l’Ardèche s’il faut en contrepartie se priver d’apostrophes !

Pour le cas où, la fleur au fusil, vous comptiez commencer l’une ou l’autre phrase par « j’ai », c’est donc sans espoir. Revenez en deuxième semaine et écrivez « g » comme les autres. Ne me dites pas que vous faites encore partie de ces irréductibles qui mettent un point d’honneur à utiliser sujet-verbe-complément, un minimum d’abréviations et en tout état de cause pas de phonétique ? Dans ce cas, vous opterez la mort dans l’âme pour un « j ai » cacochyme après avoir écarté, dans un pleur, l’idée de taper « jai ».

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Passé le premier énervement, cette lacune peut prêter à haussement d’épaules. Se rappellent alors à votre bon souvenir la famine en Afrique, les baleines à bosses en train de se recompter sous la banquise et je ne parle même pas de la télé-réalité qui a encore pignon sur rue. Bref, c’est pas bien grave.

De quoi, de quoi ? Mais sans apostrophe, quiconque élevé dans l’école de la République est obligé de contourner le problème, qui par le tout phonétique (et habitué ou non, je vous mets au défi de biter d’une traite le sabir ainsi pondu), qui en ménageant un espace là où l’apostrophe aurait dû remplir son office en signe de désapprobation forcenée. Une sorte de minute de silence typographique, quoi.

On peut gloser sur le mode de l’œuf et de la poule quant à savoir si les plus verts d’entre nous écrivent couramment en SMS à cause du langage SMS ou si c’est parce qu’ils n’en ont déjà plus l’utilité que l’apostrophe de leur clavier s’avère superfétatoire mais avouez que les conséquences sont pas glorieuses.

Elles découlent pourtant d’une cause tout simple. Le portable est un produit standard sur un marché mondialisé ; les affaires étant les affaires, la planète n’a pas d’autre choix que de s’équiper anglophone pour bigophoner et s’échanger des textos. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’aucun col blanc n’ait pensé à votre petit signe riquiqui, puisqu’en dehors des contractions inhérentes à la conjugaison de to be au présent (et encore, facultatives), l’Angliche se contrepète des apostrophes. Il pourra toujours écrire « I am », lui.

Décidément, j aime pas les SMS.

Thanks for your attention.