Exagérer

 

Disant « abusé » (voire « trop abusé » en abusant du pléonasme), les plus jeunes d’entre nous pensent en fait « exagéré », supplantant lui-même « c’en est trop », traduction hasardeuse du « hgnûrf » de nos ancêtres.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Par exagérer, on peut entendre « dépasser les bornes » :

il exagère

ou « grossir le trait » :

il exagère.

Certains essaieront de vous persuader que le verbe signifie « découper une lame de laiton » :

il exagère.

Méfiez-vous des usurpateurs. Rien ne vaut le cupronickel.

 

Au passage, face à l’outrance d’exagération, n’allez pas croire qu’ex-agere soit « agir en dehors » des clous. Tentant mais infondé : on dirait exagir. Langue, quelles exactions ne commet-on pas en ton nom.

Non, nous nous contentâmes d’emprunter exagérer, en plein XVIe siècle, au latin classique exaggerare, « augmenter, amplifier ».
D’ailleurs le nombre de mots empruntés au latin classique sans jamais les lui rendre est plus qu’exagéré. C’est vraiment dégueulasse.

 

En sus, on n’a pas pris exaggerare au pied de la lettre. Il faisait pourtant un « remblayer » tout à fait convaincant. En parlant de « remblai », agger ne s’est pas formé tout seul : on l’a porté là en vertu d’ad-gerere, « porter vers ».

 

Notons enfin avec quels égards l’anglais exaggerate chérit toujours le double g.
Heureusement, avec suggérer, frère caché d’exagérer (« porter sous »), on s’est bien rattrapé. Se faire souffler la politesse par les Albionnais, on ne l’aurait pas digéré.

Merci de votre attention.

Galvaudé

 

Si « le mot n’est pas galvaudé », l’épithète non plus, qui ne retentit guère que dans les grandes occases.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Sauf exception notable, galvaudé ne fait pas partie du vocabulaire d’un enfant de trois ans. Mais avec ces quelques exemples :

Mm, les bons légumes !
Oh qu’il est joli, ce dessin ! C’est quoi ?
Je compte jusqu’à trois…

nul doute qu’il en comprendra parfaitement la valeur (ou l’absence de valeur).

 

Galvaudé – même le chiard ne sera pas surpris – est bien sûr le participe de galvauder :

mal employer, gaspiller,

en particulier un mot, jusqu’à le

déprécier.

 

Le sens du verbe à travers les âges reste allègrement négatif. 1690 : « humilier par des reproches » ; 1770 : « avilir, compromettre » ; 1810 : « mettre en désordre, faire mauvais emploi de » ; 1887, apothéose intransitive : « ne rien faire qui vaille, traîner ». Ne manquent à l’appel que « fréquenter les rézosocios » et « sodomiser les mouches » (pour 2017).

 

Vous le humiez à raison : galvauder a le même radical que ravauder, qu’on n’entend plus beaucoup dans les chaumières bien qu’il épouse itou l’idée d’un usage répété. Ce « raccommoder » de la vieille école a cousu ravaut, « sottise, bourde » mi-XIVe, à ravaler, au XVIe « dépréciation du prix d’une marchandise » toujours dure à avaler, soit « aller dans le sens de l’aval » et conséquemment « descendre ».

Quant au préfixe gal-, on l’a déjà évoqué bien en amont. Aussi, pas la peine de se répéter.

Merci de votre attention.