Comment atterrir sans piste d’atterrissage ?

 

Ainsi que le Grand Scénariste l’a décidé (si tant est qu’il soit assez khôn pour vous fourrer dans des draps pareils), vous devez atterrir d’extrême urgence. Or il n’y a pas de piste où vous poser.

Vous ne vous êtes tout de même pas tapé des années d’études et des batteries de tests en veux-tu en voilà pour vous crasher comme un vulgaire kamikaze.

 

Les terres atterrissables se font rares. Tant que ce paramètre vous échappe, vous aurez beau manier votre engin comme un dieu, personne ne viendra vous applaudir à l’arrivée.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en casse-cou civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Si c’est une blague de vos amis aiguilleurs du ciel, elle est de très mauvais goût. Encore un coup comme ça et vous vous arrangerez pour leur sucrer leur paye à la fin du mois. Chacun son tour.

♦  Volez en contre-Canadair et brûlez tout ce qui traîne au-dessous. Au deuxième passage, vous pourrez sortir le train d’atterrissage.

 

♦  On ne pense jamais à l’hydravion. Et c’est injuste car cette merveilleuse invention tient compte d’un principe simple : autant amerrir sur les 70% d’eau qui composent la planète. Evitez juste les quarantièmes rugissants ou alors vous le faites exprès.

 

♦  Vous êtes bien difficile. Pourquoi vous faut-il absolument un tarmac à n’en plus finir ? A défaut de piste assez longue, augmentez la puissance de freinage, avec des freins d’autobus par exemple.

 

♦  Prenez place à bord d’un modèle miniaturisé, du type de ceux qui vous donnèrent la vocation lorsque vous mangiez encore vos crottes de nez. Demandez à ce qu’on vous largue pas trop loin de chez vous et si possible sur le rebord de la fenêtre de votre chambre car vous êtes vanné(e).

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Essor

 

Secrètement, vous aviez toujours refusé d’envisager qu’essor et essoreuse aient quoi que ce soit en commun. Le rapprochement ne vous avait même jamais titillé. Voilà ce qui arrive quand on se prive du plaisir d’une décélération d’essoreuse à salade en plein essor.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A essor la majesté, à essorer le prosaïque ? Tatata. Essor correspond bien à essorer, c’est comme ça et on ne peut rien y changer. Pourquoi l’oiseau prend-il son envol sinon pour s’essorer les ailes, vu que lui, il peut le faire ?

 

Vie sauvage toujours : en 1172, « a l’essor » signifie « à l’air libre ». Essor est attesté dans les mêmes eaux au sens d’« élan », dont il se distingue par le fait que les commentateurs du saut en longueur le boudent allègrement.

Sur ces entrefaites, essorer se pointe au sens d’« aérer », puis de « faire sécher ». Par quel prodige ? Le latin exaurare pour vous servir, au pied de la lettre « sortir » (ex-) à l’« air » (aura).

Et plus précisément la « brise » latine soufflée au grec αύρα, « vent, souffle ». Le « petit souffle que notre ancienne langue appelait l’aure » selon Chateaubriand, ainsi que ore, oure ou ure, « vent favorable à la navigation », ne se disent plus qu’en ancien français. N’allez pas croire pour autant que ce « petit vent » soit retombé depuis, z’aurez l’air fin au prochain orage.

 

Météo toujours : et les ouragans dans tout ça ? La coïncidence est trop pimprobable entre leurs hurlements rageurs et le dieu Huracan des Arawaks, devenu hurricane un peu plus au Nord, où il pourrait avoir modelé l’Oregon, 27e Etat des Stazunis.

 

Moins pimprobable est le lien entre l’aura des Latins et celle qui entoure encore certains individus triés sur le volet.
A ne pas confondre avec l’auréole, plaquée or, elle.

Merci de votre attention.

 

Bol

 

Il nous cueille tous les jours au saut du lit. Si bien qu’à l’heure d’« en avoir ras le bol » ou d’« avoir du bol », on ne le calcule même plus. Pas sûr qu’avoir « un mug monstre » ou « un de ces mazagrans aujourd’hui » nous mette dans des états pareils.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Rigoureusement authentique : bol descendrait du grec ancien bolos, « jet, coup de dés » ou bôlos, « motte de terre », selon l’humeur. Le premier est issu du verbe ballô, « jeter », dont le petit frère emballô (« insérer, jeter dans ») se déploie depuis en emblème. Ou en embolie si c’est pas de bol.

 

Mais que fait-on de l’anglais bowl ? Car ce sont bien les sujets de la reine qui importèrent l’illustre bowl o’ punch des Indes occidentales sur nos côtes au XVIIe. Ce bolleponge n’avait rien de nouveau si l’on considère que bolle faisait déjà partie intégrante des petits-déj de 1150. Sachant qu’il déboule du même utérus que balle, pour ne pas dire boule, on conclut que tout ce petit monde « roule ». Hâtivement car il « enfle » en réalité, indo-européen bhl- oblige.

Incrédule ? Lapez donc le bhl le plus proche, comme disait Arielle Dombasle (qui en connaît un rayon question enfler).

 

Bol est dans tous les bons coups : « prendre un bol d’air » (à ne pas confondre avec « prendre un polder » où l’on boit plutôt la tasse). Mais aussi, plus distingué (pour compenser les mbôôrps qui s’ensuivent), « une bolée de cidre » avec les crêpes. Là encore, prenez garde : si vous prenez une « bolée de bois vert », c’est vous qui payez la note.

Quant aux légistes assermentés, toujours un brin voyeurs, ils s’empresseront de révéler le « bol alimentaire » d’un mort en examinant son estomac. D’où il ressort que les dernières agapes sont souvent d’une frugalité déconcertante.

 

En tout état de cause, celui ou celle qui vous met les boules est sinon une enflure, du moins un bolos.

Merci de votre attention.

 

Hôte de l’air

 

Soulevons aujourd’hui un scandale dont personne ne semble s’émouvoir : on est toujours chaperonné par une hôtesse de l’air en avion, tandis que le contrôle des billets siouplaît dans le wagon reste désespérément masculin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Et retirons nos gros sabots deux secondes : faudrait bien sûr nuancer. Au dernier pointage connu (1999), les nanas ne représentaient « que » deux tiers du « personnel navigant commercial » d’Air France. Autant considérer le reliquat de stewards comme faire-valoir.

La même année, entre deux gares, on comptait bien boâf oui péniblement 12 % de contrôleuses. Statistiques que chacun confirmera de manière empirique : c’est bien une madame qui de temps en temps s’arrête à votre hauteur et toise votre compostage. Mais faut voir l’engin.

On connaît les stéréotypes liés au sacerdoce des hôtesses de l’air. Sois belle et tais-toi, en quelque sorte, sauf pour délivrer les consignes de sécurité et s’enquérir du nombre de glaçons dans votre whisky Monsieur. Bref, servir. A telle enseigne que les stewards de tout à l’heure sont réputés être davantage foldingues que la moyenne. Nuance quand tu nous tiens.

Alors quoi ? L’autorité serait forcément dévolue aux mâles ? Ou aux garçons manqués ? A contrario, aux filles, tatas et assimilés, suavité et réconfort ?

 

Seuneuceufeu, réfléchis donc ! Embaucher des contrôleurs à l’eau de Cologne douteuse, suant dans un uniforme où ne manquent que les galons, ne peut être que contre-productif. Pourquoi pas des hôtesses du rail bâties sur le modèle de leurs homologues en chemisier ? Vingt contre un que la fraude disparaîtrait du jour au lendemain, les resquilleurs cherchant soudain à se faire bien voir de la Loi plutôt que de la défier.

Quant aux compagnies aériennes, elles seraient bien inspirées d’augmenter le quota de viril en vol.
1) Parce qu’on ne déconne pas avec la sécurité (tu déconnes avec ça, tu déconnes avec tout).
2) Pour déjouer prises d’otages et autres attentats kamikazes avec la manière.
3) Pour que les stewards aient enfin autre chose à se mettre sous la dent que le pilote dans le cockpit.
4) Parce que les zhommes, les vrais, savent doser les glaçons du whisky sans avoir besoin de le demander.

Et ça, c’est quand même vachement appréciable. Pas de raison que la féminisation marche toujours dans le même sens non mais oh.

Merci de votre attention.