Patate

 

« Pomme de terre » : vertigineuse appellation. Même avec beaucoup d’imagination, rien dans son fuselage oblong ne rappelle la rotondité d’une pomme. Idem pour « cochon d’Inde » ; à pisser, quand on y songe.
Voilà pourquoi sans doute nous préférons désigner le tubercule chéri sous le nom de patate.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Si mémère est attestée depuis 1762 dans nos dictionnaires, il convient d’éplucher son itinéraire depuis le début.

 

Tout semble avoir germé du quechua papa, encore utilisé de nos jours en Amérique hispanique. Ce qui ne laisse pas d’intriguer quand on sait que le verbe latin papare, très antérieur, signifie rien moins que « manger »…

Paparenthèse : paper a existé en ancien français. En est issu papoter, d’abord « manger sans entrain, chipoter » puis « bavarder », l’onomatopée pap- évoquant le mouvement des lèvres (si si !).

 

On papote on papote et pendant ce temps-là, batata naît en 1516 en langue arawak d’Haïti. Les Espagnols l’auraient repiquée telle quelle en 1519. Dans un récit de voyage de Magellan en français, elle devient battate vers 1525, puis patata en espagnol en 1528. Dans la foulée, nous autres laissons tomber le b puis le second t. Et la « plante des régions chaudes cultivée pour ses gros tubercules comestibles à chair douceâtre » termine sa tournée mondiale grâce aux marins ibériques.

Sur notre sol, vous allez rire, on ne la cultive que comme plante d’ornement. Jusqu’à ce que Parmentier arrive et alors là, puuurée…

 

Observons enfin que par une curieuse facétie de l’argot, elle fait son lit de notre état d’esprit du moment :

avoir la patate ;
en avoir gros sur la patate.

C’est l’écrasante supériorité de patate sur « pomme de terre ».

Merci de votre attention.