Faire l’amour à ou avec ?

 

Faites vos cochonneries comme vous voulez. Toute la question est de savoir avec qui ou à qui. Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, zou.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Dans l’absolu, faire l’amour suffit. Ça se complique dès que les prépositions entrent en jeu.

Quiconque fait l’amour à machin, à machine, à la plage (aou cha-cha-cha) insiste sur sa performance au risque d’éluder ceux qui restent.
Sous ses airs généreux, à se regarde le nombril et le méridion.

 

Avec est plus altruiste, qui introduit une notion de compagnie (si rapprochée à ce stade qu’il faudrait plutôt parler de rage d’intimité).
Or, qui dit avec dit « côte à côte » : position non répertoriée.
À, lui, fait face, qu’il soit en dessous ou au-dessus (ou alternativement). Foutrement plus pratique.

Autre hic : les verbes à haute teneur en sel font également appel à avec. Ainsi baise-t-on avec machin/machine (mais toujours à la plage [aou aou]). Caractère volage qu’on ne retrouve pas dans l’engagement total propre à à.
Il arrive même que l’on baise directement la personne sans s’encombrer des bonnes manières. Heureusement, en lui faisant l’amour, l’acte regagne ses lettres de noblesse.

 

Les Zanglais ont l’air moins zembêtés, avec leur « make love to ». C’est oublier qu’ils disposent aussi de « fall in love with », réciprocité que n’implique pas à.

 

Pour éteindre la controverse, liquidons plutôt le stock prépositionnel :

faire l’amour dans [machin/machine] : un peu cru mais assez parlant ;
hors : encore plus indélicat mais sans risque ;
chez : situe l’action mais peut prêter à confusion ;
jusque : une fois passée la première rigolade, libère sa saveur poétique ;
sur : uniquement si vous êtes au-dessus. Marche parfaitement à/avec la plage en revanche.

Merci de votre attention.

 

Eternuer

 

Eternuer, vivre et mourir : métaphysique trio. Cherchez bien, y’a pas tant de verbes capables de nous ôter la maîtrise du corps. Tout juste peut-on y ajouter rire qui, comme l’éternuement, parvient à faire tout oublier. Z’avez remarqué ? Impossible de penser à quoi que ce soit ni même de garder les yeux ouverts durant l’expulsion, dont la vitesse s’élève à 200 km/h les bons jours. Alors que c’est limité à 130. Non mais laissez vos écoutilles tranquilles, c’est comme ça, c’est la science, on est tous fichus pareil, vous allez juste vous faire mal.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

D’abord, universalité oblige, chacun son style. Un éternuement par tête de pipe, du sprûmmm qui prend au débotté au classique iètchahhh tout en éclaboussures en passant par un tsîp à la discrétion toute féminine. Atavisme ? Idiosyncrasie mucosale ? Si quelqu’un sait d’où nous vient l’« accent », qu’il lève le doigt.

Par ailleurs, je vous défie de pouvoir dire éternuer dans l’un quelconque des patois qui nous entourent. Aucun prof de langue vivante ne vous a jamais appris à conjuguer to sneeze ou niesen. Hein ! Inconnus au bataillon, c’est bien ce que je pensais.

Le français, lui, s’est contenté de bourgeonner sur la racine latine sternuere. Sur lequel s’est formé le fréquentatif sternutare, « éternuer souvent » (d’où ces pénibles rafales que les toubibs nomment sternutation).

Chez le taquin Ovide, sternuere a le sens de pétiller, en parlant d’une lampe sur le point de s’éteindre. Echo poétique s’il en est des hésitations avant-coureuses d’un éternuement maison.

Le verbe est ensuite passé par esternuder (d’où la schnudel subséquente que seuls biteront les Mosellans, coucou maman) et esternuer, avant de prendre sa forme actuelle dès le premier dico de l’Académie française en 1694.

 

Mais descendons plus profond dans les limbes de la langue. Et prenons pour guide Jacques Brosse qui, dans son Inventaire des sens, croit reconnaître le radical grec τιτα, « se blottir de peur, effrayer ». On a fait pas mal de chemin mais ce blottissement peut en effet évoquer le recroquevillement d’épaules d’après secousse, celui qui remet les idées en place.

Brousse toujours :

L’éternuement, selon certains, serait le premier réflexe du nouveau-né. On éternuerait donc en naissant, comme on soupire en mourant. La brusque entrée de l’air dans les poumons provoquerait ce geste qui aurait pour but de dégager les voies nasales, encore obstruées par les glaires de l’état pré-natal.

Bon sang mais c’est bien sûr ! Pourquoi bébé qui se radine pleure-t-il toutes les larmes de son corps ? Pas à cause des poumons qui se déplient : parce que y’a pas un ahuri autour qui songerait à le moucher après l’atchoum primal.

Une sage-femme, un Kleenex.

Merci de votre attention.