Trac

 

Avec les lasagnes surprise et le trouble amoureux (qu’il colle de près), le trac est sans doute l’émotion la plus costaude qui soit. Penchons-nous là-dessus tout à trac.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Le traître surgit toujours à la faveur d’une prestation, où nous nous devons de briller sans montrer qu’on n’en mène pas large. Et n’allez pas croire qu’on s’y habitue : au théâtre, même les meilleurs sont traqueux tous les soirs. Alors un peu de respect, s’il-vous-plaît.

 

Vu l’universalité de la chose, le mot est fort récent (1830, auparavant, on n’était pas des mauviettes). Il se présente alors sous la forme traque, dans laquelle certains repèrent le radical trak exprimant le sursaut. D’autres y voient l’influence d’un patois hindou proche du sanskrit trasa-, « frayeur, terreur, angoisse ».

Mais traque ne viendrait-il point plus simplement de traquer ? Pis que ça, le verbe lui-même dérive du moyen français trac, « allure, piste, trace ». D’où le traquenard destiné à effrayer son monde, à l’origine « trot défectueux du chwal ». Quant à l’objet détraqué, il est littéralement « sorti de sa marche » ; il s’agit donc de le retraquer s’en séparer au plus vite.

 

D’ailleurs, en parlant de « piste » et de « trace », les Anglois ont aussi leur track. A rapprocher du néerlandais trekken, « marcher », ainsi que du vieux teuton trechan, « tirer ». Lesquels, avant l’invention du trekking, ont rebondi sur le latin trahere pour nous offrir traction, tract et remplacer les bêtes de trait par des tracteurs. Sans oublier – on y revient – attraction et attrait. Tout ce qui « tire » et « attire », en somme.

 

D’ailleurs c’est pas la peine de baliser. Car comment dit-on trac en anglois ? Nerves. Au pluriel, le même mot que pour « culot ».
Savez ce qui vous reste à faire.

Thanks for your attention.

 

D’où viens-je, où vais-je

 

Sans cesse nous nous déplaçons. Si la nature nous a faits bipèdes, c’est sûrement pas pour rester le cul vissé sur une chaise comme le reprochait Lucette à Marcel avant d’admettre qu’elle aurait dû écouter sa mère. Il n’est pas jusqu’aux plus pantouflards sédentaires qui ne découvrent un jour ou l’autre un endroit inconnu de leurs services. Comment se fait-ce donc que l’orientation soit la grande oubliée de l’éducation des loupiots ? Pas l’orientation « professionnelle » : la seule, la vraie, l’art de se repérer. Ce devrait être un point cardinal des programmes, au même titre que lecture, écriture et calcul.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Parce que c’est bien beau de savoir lire « par là : 10 km » et « par là aussi : 10 km » mais si d’après la carte fallait sortir là et que déjà tu l’avais pas dans le bon sens et je te signale que d’après les indications du bonhomme c’était juste avant qu’il fallait tourner mais puisque je te dis que y’avait pas de 2e à gauche et… Laissons Lucette et Marcel à leurs pitoyables tâtons. Pourquoi l’école de la République, censée faire réfléchir par soi-même, ne nous lâche-t-elle pas plus souvent, mettons, en pleine forêt ? Ça permettrait de surcroît aux petits garçons de retrouver les filles en pleurs et de… hum. Enfin bref, cœurs gravés dans les chênes à la fin de la journée, souvenirs indélébiles pour les Lucette et Marcel en herbe, ainsi que la totalité du toutim. Sans compter les deux-trois glands semés au cours de l’exercice ; que du bénef !

Voyez pas le bond en avant pour la confiance en soi ? Les seaux de sueur économisés ? La sérénité retrouvée pour chaque maman-du petit-Elliot-attendu-à-l’accueil sachant que ledit gniard, autonome, connaît le magasin comme sa poche ?

 

Au lieu de pester à tort et à travers contre les zenseignants, ces héros au sourire si doux, soutenons-les. Déclarons grande cause nationale la lutte contre le paumage en rase campagne. Avec en guise de première opération coup de poing : « une intersection, un panneau clair ».
Vite vite avant que le gépéhès n’ait eu totalement raison de notre instinct.

Merci de votre attention.