Bravo

 

Tandis qu’on se confond en excuses, on ne peut en faire autant en bravos. Certainement pour éviter de confondre.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Si applaudir en criant bravo confine au pléonasme, l’apogée est atteint avec bravissimo.

Aujourd’hui, l’interjection est invariable. Mais du temps où l’on avait des lettres, on disait brava (pour acclamer du féminin singulier), brave (féminin pluriel) et même bravi (masculin pluriel). La documentation ne dit rien quant à bravu et bravy. Et zapotovsk, parce qu’on ne parle plus tout à fait de la même chose.

Mais d’où bravo découle-t-il ?

 

Il a suffi de tendre l’oreille de l’autre côté des Alpes où les chanteurs d’opéra faisaient un malheur vers 1738. Un recyclage tardif de l’adjectif bravo, on vous le donne en mille : « brave », attesté là-bas depuis 1346.
Ici, il signifie dans le désordre « beau », « bon », « noble », « courageux », « fier » et « arrogant ». N’en jetez plus.

 

L’adjectif rital fait lui-même écho à l’hispano-portugais bravo et au provençal et catalan brau, contraction à la va-comme-je-te-pousse du latin barbarus, « barbare ». L’envahisseur, tout lâche qu’il est, ne manque pas de bravoure, allez comprendre.

Toujours est-il que ces borborygmes typiques de l’« étranger » (premier sens de barbare) façonnèrent l’onomatopée barbar- devenue, au fur qu’on parlait dans notre barbe, barbru, babru, puis brabu et enfin brau, « sauvage ». Ah bravo, belle mentalité.

 

Du reste, le verbe braver est assez unique en son genre. Imaginons les synonymes de brave à l’infinitif : « beller », « bonner », « nobler », « courager », « fiérer ». Et pourquoi pas « arroger », pendant qu’on y est ?

Merci de votre attention.

 

Plausible

 

Pour mieux sentir la différence entre possible et plausible, il suffit de chercher le contraire de ce dernier. A l’impossible, nul n’est tenu : y’en a pas. Plausible est chargé positivement, quoi qu’il arrive.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Possible sert pour tous les jours. Plausible, c’est pour les grandes occasions, quand on a besoin de soupeser des hypothèses. Comme les deux adjectifs sont cousins par leur signification et leur sonorité, on a tôt fait de voir en possible un plausible du pauvre, ou en plausible un possible amélioré.

C’est se laisser abuser par son charme enjôleur.

 

Parce qu’en 1552, est plausible « ce qui plaist », figurez-vous. Chez Montaigne un peu plus tard, le sens qui semble devoir être admis est plutôt « qui semble devoir être admis ».

Plaire, être admis voire admiré, ne humez-vous point comme un parfum d’ovation derrière tout ça ?
C’est plus que plausible.

Surtout si l’on déterre l’ancêtre latin plausibilis du caveau familial de plaudere, « battre », en particulier « des mains ». Applaudir, quoi. Ou applause, chez les Anglo-saxons. Et dire que certains n’en ont rien à battre de l’étymo.

Le verbe d’origine applaudere n’a pas pris une ride. Et a su préserver le mystère : comme le Big Bang, on ne peut pas remonter plus loin. D’ailleurs d’ailleurs, il donne naissance à l’anglais explode (au départ, « chahuter pour faire sortir de scène un acteur », soit l’exact inverse d’applaudir). Lequel a fini par exploser chez nous, avant implosion.

 

Plausible en somme, c’est comme applausible ou applaudible, si toutefois le hasard avait rendus ces avatars possibles.

Merci de votre attention.