Vautré dans la crème anglaise, on n’avait pas vu se dresser la vérité toute nue : qu’est-ce que c’est que cette histoire d’« île flottante » ?
Mais revenons à nos moutons, moutons.
L’abus de langage – pour ne pas dire pléonasme – trompe son monde depuis la nuit des temps. Et pas seulement à l’heure du dessert.
Etendue de terre ferme émergée d’une manière durable dans les eaux,
voilà comment les dicos délimitent l’île. On soupçonne que durable a été ajouté pour couper court aux tentatives des petits malins réclamant le statut pour leur récif préféré, celui que la marée engloutit trois fois par jour.
Quoi qu’il arrive, l’île flotte, par définition. Elle est donc flottante, sans ça, elle coule. Dans la flotte, pour ne rien arranger.
Parce qu’on pourrait croire que tout ça forme d’énormes blocs reposant sur les fonds marins. T-t-t. Si c’était le cas, les poissons devraient contourner sur plusieurs milliers de kilomètres. Pour les Seychelles, passe encore. Mais sous l’Angleterre (ou plutôt autour), vous imaginez l’expédition ? Les sujets de la reine seraient contraints de dire farewell à leurs fish and chips.
L’île est posée sur l’eau, comme un pédalo.
Si on va par là, le moindre bout de terre l’est aussi, flottant. Et les continents ? Des îles géantes, sur lesquelles on s’est empressé de tracer des frontières. Rendons-nous à l’évidence : nous sommes tous des insulaires.
En fait d’« île flottante », il n’y a qu’« île » qui vaille. C’est déjà cher pour ce que c’est, autant employer les termes exacts.
Mais attendez.
L’entremets, lui, repose sur l’assiette. La crème, ne pouvant soutenir son poids, se contente de le napper. Alors ? De qui se moque-t-on ?
Dorénavant, exigez votre « île flottante » servie comme des « œufs à la neige, caramel et crème anglaise » [ça rendra justice aux sujets de la reine].
Mais mais attendez attendez.
« Œufs à la neige » ? On se fout de vous. Un café, l’addition. Tant pis si ça jette un froid.
Merci de votre attention.