Comment détecter les saisons ?

 

Nos anciens le déploraient déjà dans leur barbe : y’a plus de saisons. Plus l’apocalypse approche, moins on peut leur donner tort.

En voulant changer la face du monde, vos semblables n’auront réussi qu’à dérégler le climat.
Résultat : la saison ne se voit plus à la couleur du ciel (mauve), ni au mercure (dans le mauve), encore moins aux fruits et légumes qui n’ont de saison que le nom.

 

Une année n’étant qu’un cycle de quatre saisons, comme disait Antonio Vivaldi lorsqu’il jouait encore avant-centre dans la pizzeria familiale, si elles disparaissent, comment savoir, à terme, en quelle année vous êtes ? Heureusement, les calendriers à double fond signalent que celle-ci s’achève avec l’avènement du divin chiard.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en terrien civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  L’hirondelle étant une espèce en péril, ne comptez pas sur elle pour faire le printemps. Observez plutôt les cocotiers s’accoupler en forêt de Gennevilliers.

 

♦  Jadis infaillible, le tube de l’été ne se distingue même plus du tube de merde qui vous est proposé le reste du temps. Pour les deux ou trois millions d’années à venir, vous ne repérerez l’été qu’à une chose : le Tour de France.

 

♦  L’automne ? Il commence quand les cocotiers perdent leurs feuilles, allons voyons.

 

♦  Enfin, n’associez pas naïvement hiver et doudoune. Souvenez-vous qu’en changeant d’hémisphère, tout est inversé. Entre votre solstice et celui d’Australie : six mois d’écart. Comme c’est le laps de temps qu’il faut pour y aller (et encore, en marchant d’un pas décidé), ne partez pas en hiver, vous ne connaîtrez jamais l’été australien puisque là-bas ce sera de nouveau l’hiver. En bref : chaque fois que vous ne partez pas en Australie ou que vous arrivez en Australie, c’est l’hiver, ce qui est un bon moyen mnémotechnique.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Ornithorynque

 

Waaaah !

se serait-on écrié devant le premier ornithorynque.

Kwaaaah !

se serait écrié l’intéressé à l’appel de son nom.

Mais revenons à nos monotrèmes, moutons.

Mammifère amphibie (déjà), ovipare (en plus), à fourrure (tant qu’à faire), venimeux (ben voyons), muni d’un large bec (laisse tomber sa proie) et d’une queue plate (on aura tout vu), l’ornithorynque a au moins la décence de vivre dans des terriers.

Si le bestiau est mystérieux, son étymo l’est beaucoup moins.
Nom scientifique latin : ornithorhynchus. On dit latin pour ne pas dire grec, hein, z’êtes pas dupes.

Rhunkhos d’abord, « groin d’un porc ou d’un sanglier ; nez ou museau d’un animal ; bec d’un oiseau ». Le Grec, tout lui va.
Justement tiens, bec de canard, pattes palmées : autant de caractéristiques propres à l’ornitho-, l’« oiseau » cher aux ornithologues.
Au fait, l’ornithogale est tout sauf une « asperge sauvage » puisqu’elle tire son nom de ses fleurs blanches rappelant aux Zanciens le « lait d’oiseau », alors poupougne.

 

Littéralement donc, un ornithorynque est donc « à bec d’oiseau » donc.
On est encore à deux doigts du pléonasme, était-ce bien la peine de verser dans le tarabiscot.

 

C’est qu’on y tient : pas touche à l’ornithorynque. Il est d’ailleurs amoureusement couvé partout : ornitorink (breton), ornitorrinco (espagnol), ornitorinko (espéranto), ornitorinco (italien), ornitorrinco (portugais), ornitorinc (roumain), ornitorenk (turc)… Sauf chez les principaux concernés. Les Zaustraliens, en effet, avaient d’abord pensé à platypus, qui lui allait comme un gant mais qui désignait déjà une espèce de scarabée à « pieds plats ». Ils durent donc se rabattre sur duck-mole, soit très exactement « canard-taupe ».
Le légendaire pragmatisme britannique. God save the ornithorynque.

Merci de votre attention.

« Dans le sens inverse des aiguilles d’une montre »

 

Anticlockwise, im Gegenuhrzeigersinn, in senso antiorario… Les petits copains expédient tout d’un jet mais nous n’en démordons pas : « dans-le-sens-inverse-des-aiguilles-d’une-montre ». Ne devrait-on pas dire :

à l’inverse du sens des aiguilles d’une montre ?

Ou, vaille que vaille, s’enquiller :

dans le sens inverse de celui des aiguilles d’une montre ?

Ajout de complément du nom, certes, ce qui les porte à trois.
Mm ? Au nombre de trois, oui. Oh eh, poupougne.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Repartons plutôt « dans le sens des aiguilles d’une montre », qu’on visualise aussi bien que, par exemple, celui de la rotation de la Terre. Sens se rapportant à aiguilles, tout va pour le mieux dans le meilleur des systèmes solaires.

Dès qu’on le prend en « sens inverse », c’est comparativement au sens des aiguilles, non aux aiguilles elles-mêmes. Lesquelles, comme chacun sait, ont besoin d’une pile pour tourner. Khôn comme une aiguille.

Contrairement donc à la rotation de tout à l’heure, l’aiguille, aussi turbulente soit-elle, n’est pas un mouvement.

Serait-on prêt à baver :

 dans le sens inverse de la Terre ?

Ça n’a aucun sens.

 

De même, s’asseoir « dans le sens inverse de la marche » ne marche que parce qu’il y a « marche ». Prenez de l’inanimé pur, au hasard, plafond. Mettez-vous en « sens inverse », vous observerez que tout se casse la gueule.

 

Au diable le tarabiscot. Dites plutôt :

de gauche à droite,

ça remettra les pendules à l’heure.

Merci de votre attention.