Vu son préfixe, égarer pourrait équivaloir à « se perdre en sortant de la gare ». A condition que la gare en question soit inconnue, et assez monumentale pour nous avaler/recracher où bon lui semble.
Mais revenons à nos moutons, moutons. Euh, par là.
1050, première occurrence du verbe. Et encore, sous la forme esguarethe : « troublée, inquiétée ». L’esguarer de 1120 marche d’un pas plus sûr : « perdre le bon chemin ». Il prend le sens qu’on lui connaît fin XIVe : « mettre à une place qu’on oublie, perdre momentanément ».
Ici surgit le cousin germain garer :
« Scheiße, où j’l’ai garée déjà ? »
Sûrement du côté de warôn, « faire attention », devenu wahren et bewahren (« préserver ») dans la Prusse actuelle. Not to mention l’anglais beware (« prendre garde à ») et le fameux aware (« conscient »), cher à Jean-Claude Van Damme. Le tout émanant du radical indo-européen wer- (« percevoir, être sur ses gardes »).
Nous-mêmes utilisons l’interjection « gare » pour avertir charitablement la cantonade :
Gare à tes fesses !
Ce que le Jean-Claude traduit sans crier gare par :
Stba !
Garer : « faire attention » ; égarer : « ne pas faire attention » ? Excusez, c’est un peu réducteur. Notre sens de l’orientation ferait s’esclaffer une girouette d’accord mais il n’est pas rare qu’on s’égare de bonne foi, notamment sur les sentiers balisés pis d’un coup plus.
Au fait, regardez regarder. Figurez-vous qu’il y a aussi du wer- là-dessous. Et que croyez-vous que gardent les gardes, sinon ce sur quoi il faut veiller, et qu’il ne faut pas égarer ?
On n’a jamais trop d’égards pour la langue.
Merci de votre attention.