Accoucher

 

On ne peut qu’accoucher couché. Et même couchée. D’où l’on conclut 1) que le verbe est inusité au masculin, 2) que les animaux le feraient debout. Or, on voit des mâles accoucher de chefs-d’œuvre aussi bien que des femelles mettre bas. Ce qui met à bas nombre d’idées fausses au sujet d’accoucher.

Mais revenons à nos agnelets, moutons.
Vite vite sinon on n’est pas couché.

Dans les eaux de 1050, le limpide « soi colcer avoc » implique déjà le partage de la couche. Pas la couche-culotte hein, qui n’existait pas encore, d’ailleurs on devait être bien emmerdé en ce temps-là.
Cinquante ans plus tard, « sei culcer » ou « culcher » insiste davantage sur la fatigue du sujet.
Après avoir admiré le « soleil culchant » de 1155, on décrète qu’il est temps d’aller se couchier. Au passage, si certains font pipi au lit jusqu’à un âge avancé, faire caca au lit est plus éphémère.
Relevons aussi chouchier fin XIVe, « rapprocher de l’horizontale ce qui est naturellement vertical ».

Et le couch des Zanglais ? Même chose version canapé.

Evidemment, c’est le collocare des Romains, le responsable : « établir, étendre dans sa longueur ». Défaisons les couches successives : co-, « avec », locare « placer ». De locus, « lieu » facile à localiser.

 

Si découcher, c’est coucher dehors (avec éventuel polichinelle dans le tiroir), l’apport d’accoucher à coucher, quel est-il ? « Mettre un enfant au monde » (1165). Sauf que le verbe signifie encore « s’aliter » au XVIe siècle. On ne dit donc pas « accouché le chien ! », à moins que celui-ci ne dorme dans un lit ou qu’il vienne de naître.

Au vu de sa finalité, l’accouchement est plus long que le simple coucher, d’où son suffixe. Pour le préfixe, on s’est servi du a- du grand-père agesir. A ses côtés gît le regretté gésir, « être couché ».

 

A ce train-là, « sortie du bébé » devrait bientôt se dire bexit.
On n’est pas obligé de le garder.

Merci de votre attention.

 

« Être en retraite »

 

De plus en plus, l’expression qui nous vient au sujet d’un retraité tout juste disparu du paysage est celle-ci :

il est en retraite.

Sa variante « partir en retraite » ne part pas moins en sucette.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Digne successeur d’« être en panique » déjà laminé dans ces colonnes, « être en retraite » supplante donc à fréquence exponentielle « être à la retraite » (ça sonne mieux tout d’un coup, trouvez pas ?).

Et bougoi ?

 

Zhypothèse 1 :
Nous nous laissons abuser par le lointain écho de « battre en retraite », exclusivement réservée aux fantassins qui n’en mènent pas large.

Zhypothèse 2 :
Pas moins trompeur, « être en retrait ». Sournois, çiloui-là. Surtout qu’« en retraite » se disait jadis à sa place… Or, c’est bien connu, se mettre en retrait (de la vie politique notamment) ne veut pas dire charrette. Sortir de sa retraite pour imposer à nouveau sa trombine au peuple est même monnaie courante.

Zhy3pothèse :
Nouveau départ pour certains, terreur existentielle pour les autres, dire « la retraite », c’est la voir se dresser devant nous, inéluctable. Alors qu’avec une simple préposition, exit l’article défini. Et hop : diluée, la menace !

 

Petit truc pour bannir définitivement « en retraite » de l’espace sonore : représentez-vous les baby-boomers « à la plage », « à la fraîche », « à la masse ». Remplacez maintenant par « en plage », « en fraîche » : avouez que vous vous empourprez. Et pourquoi pas « en masse » pendant que vous y êtes ?

Merci de votre attention.