Dèche

 

Les zenquêtes le montrent : notre hantise la plus largement partagée – khrîse aidant – est de tout perdre. Et bang ! la dèche. Que d’avantages pourtant, si l’on y pense. Dormir à la belle étoile, économiser loyer, impôts, mener une vie de patachon…

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Dèche ne désigne pas seulement des comptes dans le rouge mais aussi une pénurie, toujours embêtante quoique momentanée :

Y’a jamais de basilic punaise, c’est la dèche.

On suppute, en observant la bestiole immobile aux jumelles, qu’elle pourrait être l’abréviation populaire de déchéance. Bingo, si je puis me permettre : son premier sens, attesté en 1835, correspond à une « perte au jeu ». Dix ans plus tard, au prix d’un triste dénouement, c’est un « dénuement ».
Les bons dicos la font donc choir de déchoir, formé sur le latin cadere, « tomber » (songeons à décadence). La progéniture du verbe est si nombreuse que dans la dèche on est de facto exempté d’impôts c’est bien ce que je disais :

Casus, déverbal de cadere : hasard (→ occasion, cas) ;

Incidere : tomber par hasard (→ incident, incidemment, coïncidence) ;

Recidere : retomber (→ récidive) ;

Occidere : tomber mort (→ occire et toute la famille des homicides, fratricides, suicides… mais aussi l’occident bien sûr, là où le soleil se couche !)…

Y’en a encore des cascades.

 

Le succès inaltérable de dèche prouve que le français ne craint décidément personne en matière d’apocopes. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
Proposons sur le même mode déf (pour déficit, défaut de paiement), hypo (-thèque), pète (-rin), beuse (-oin, sans rapport avec la pauvreté du buzz), avoir bite-cout (« n’avoir que sa bite et son couteau ») et être groj (« Gros-Jean comme devant »). A ne surtout pas confondre avec toucher le grol (pour gros lot).
De même, on évitera baraka en raison du contresens possible « avoir la baraque à payer ».

Merci de votre attention.