Contondant

 

Il est un fait qu’entendant contondant, l’homme de la rue hésitera affreusement sur la manière dont on a zigouillé la victime. En tapant comme un sourd ou en l’attaquant au surin ? Certainement pas avec le dos de la cuiller, en tout cas.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Le terme contondant (et c’est pour ça que les légistes embrassent leur métier) ne retentit que dans le cadre d’une autopsie. Suite à quoi les enquêteurs jaloux le reprennent à leur compte. Il faut dire que contondant se fait rare en nos contrées puisqu’il n’est accolé qu’à instrument. Jamais de « bouquet contondant » pour la fête des mères, ni de « médicament contondant » en pharmacie, encore moins d’« idylle contondante », même celles qui tardent à cicatriser.

Rendons-nous à l’évidence : seule l’étymo lèvera le voile sur les mystères de contondant.

 

Avec sa finale typique, l’adjectif serait-il pas un participe présent déguisé ? Tout juste : celui de l’ancien verbe contondre, en vigueur jusqu’au XVIIIe siècle. A première vue, contondre fait songer à tondre ; contondant trancherait-il alors comme une lame de rasoir ? Certes non. Ce tondre-là, arrivé à la racine, est la V.F. de tundere, latin pour « battre ».

D’où contusion, qu’on ne peut confondre avec confusion car son sens est foutrement plus clair que celui de contondant.

Issu de l’indo-européen (s)teu(d)- (toujours « battre », pendant que nous sommes chauds), le radical (s)tud- a essaimé partout, donnant naissance à tudes, « marteau », tudicula, « meule », d’où tudiculare (« broyer les olives ») devenu touiller. Mais aussi tussis, « toux », qui en effet cogne pas mal dans son genre surtout si elle est sèche.

Comme quoi, ça vaut toujours le coup de faire l’« effort » d’étudier. Y compris dans un studio riquiqui mais prévu à cet effet.

 

Quant à l’instrument contondant de tantôt, il

blesse sans couper ni percer.

Content de l’apprendre.

Merci de votre attention.

 

Comment chercher une aiguille dans une botte de foin ?

 

Certaines entreprises paraissent insurmontables. Vider la mer avec une petite cuiller, mettre Paris en bouteille, résister à l’apéro, autant de chimères tournées en dérision par la sagesse populaire.
Mais celle-ci ne verse-t-elle pas dans un défaitisme excessif en maugréant : autant chercher une aiguille dans une botte de foin ? Car enfin, si l’aiguille s’est retrouvée là, rien ne devrait vous empêcher de l’en extraire plus ou moins rapidos.

Quant à savoir ce qu’elle y fout, c’est une autre paire de manches – cousues main, au demeurant. On ne voit pas le père Michel perdre son chas (c’est le nom du moissonneur), ni la Marie couche-toi là semer ainsi son nécessaire à couture, tous deux ayant par-dessus le marché pour habitude de retourner les foins torse à l’air.

Ce sera plutôt un sale tour qu’on vous aura joué ; prenez-le comme un défi. Sans compter la valeur sentimentale que vous attachez à cette aiguille en particulier.

botte-de-foin

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en limier civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Un travail de fourmi ? Précisément. Mettez vos meilleures renifleuses apprivoisées sur le coup, elles vous débusqueront n’importe quelle aiguille en moins de deux.

 

♦  Lancez une moissonneuse-batteuse à friction (modèle Majorette) à l’affût de l’aiguille. Naguère fastidieux, l’exercice deviendra tout à fait récréatif, notamment quand le jouet clignotera de tous ses feux en touchant au but.

 

♦  Et le détecteur de métaux ? Il bippera comme un damné lui aussi, une fois déménagé de l’aéroport à la grange.

 

♦  S’il s’agit de retrouver les aiguilles à tricoter de Lucette, celles-là même qui s’entrechoquent le soir au coin du feu (ou au fond des bois quand Marcel gonfle trop Lucette), vous n’aurez aucun mal à les repérer : elles seront fichées dans le foin comme dans une pelote d’épingles en vue des prochaines mailles.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Epouvantail

 

Tout se perd, même les épouvantails. Heureusement, ça nous donne l’occase de réviser le pluriel, avant d’entrer dans les détaux.

Mais revenons à nos corbeaux, moutons.

Voilà un gonze dont même la phonétique sent le bric et le broc. Rendez-vous compte du pouvoir de dissuasion : un piquet, accoutré été comme hiver de la même redingote miteuse et d’un chapeau trop grand, tout seul pour épouvanter un hectare !

C’est de famille : l’épouvante est unique à des lieues à la ronde. Des émotions avec une finale pareille, pouvez chercher, y’en a pas cinquante. D’ailleurs la supériorité de l’appellation « film d‘épouvante » sur « film d’horreur » n’est plus à démontrer. Ou alors c’est l’horreur.

 

Mais a-t-on jamais pris la peine de lui inspecter les boyaux, à l’épouvante ? E-pouvanter, de prime abord, ça doit revenir grosso modo à faire sortir de nous tout le « pouvant », non ? Ce qui en soi paraît déjà bien épouvantable.

 

On s’en serait douté, l’espavente ou espouvante du XVIe siècle n’est que le déverbal des premières formes d’épouvanter. Zieutez bien la forme primitive avec -a.
Il suffisait à espoënter de se pointer à l’orée du XIIe siècle pour qu’apparaisse l’espoëntaus qui nous occupe. A blâmer, le latin expaventare, vulgaire copie d’expavere : « craindre, redouter ». Ex- n’est là – vous l’aurez compris – que pour renforcer – vous l’aurez reconnu – pavere dont sont issus le rital spaventare et le vieil espagnol aspaventar.

Et d’où croyez-vous que nous ayons peur ? Pavere, toujours lui, « trembler de pavor/poür/pëor » selon le prototype. Mais aussi « être frappé par l’émotion ». Le grand frère pavire signifiant « battre » à cause de l’indo-européen peu- (« frapper »), nul besoin d’écrire des pavés sur le pavimentum, cette « aire en cailloutage et en terre battue ».

 

Quant à l’épouvantail, il se montre « inaccessible à la peur » parce qu’il est impavide mais surtout parce qu’il est en paille. Et dieu sait qu’il pourrait avoir les foins.

Merci de votre attention.