« Déchirer sa race »

 

Il n’est pas rare que le pékin moyen partage son enthousiasme en ces termes :

ça déchire sa race.

A condition de réellement kiffer sa race, sans quoi « ça déchire » suffit amplement.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Deux notions plus absurdes l’une que l’autre, juxtaposées pour défier toute vraisemblance : « déchirer sa race » est un tour de force.

 

Péter, tout arracher et s’éclater avaient précédé déchirer au rayon forte impression, section déformation.

Mais le verbe était en dessous de la vérité. On lui a donc adjoint le concept de race qui, si l’on ne zigouillait encore en son nom, mériterait de souiller la culotte de son voisin de couleur.

Et là, on parle uniquement d’êtres humains.

Car « déchirer sa race » ne s’emploie que pour des objets ou des œuvres. A quelle race ceux-ci peuvent-ils bien appartenir ?

 

Foin de dithyrambes, nous revient en mémoire le fielleux

va niquer ta race,

sous-entendu

tous ceux de ta race.

Dans l’expression du jour au contraire, l’objet admiré ne peut « déchirer sa race » que dans sa globalité. Vous pouvez commencer à vous représenter mentalement une « race déchirée ». La journée ne sera pas de trop.

 

Faut-il y voir une variante de l’omniprésente figure maternelle (« la vie/tête de ma mère ») ?

Moins rugueux que

va niquer ta mère,

« va niquer ta race » diluerait le lien de parenté juste ce qu’il faut. Idem pour

ça déchire sa mère,

qu’hors césarienne on ne recommande pas plus que ça.

 

Ce désir infantile que tout le monde éprouve la même chose que nous explique nos jugements de valeur excessifs. Ainsi surjoués, ils donneraient plutôt envie d’écarteler le genre humain.

Merci de votre attention.

 

Les poussettes

 

Selon une étude réalisée il y a un instant auprès du dernier parent de chérubin croisé dans la rue, pousser une poussette multiplie par 75 le taux de sans-gêne dans le sang.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Notez qu’il faut déjà une prédisposition au sans-gêne pour colporter le virus. 0 multiplié par 75 donnant toujours 0, l’engin dans les mains d’un individu normal ne causera pas de trouble à l’ordre public.

Car il n’y a pas plus incontrôlable qu’une poussette lâchée dans la foule. Si ce n’est deux poussettes lâchées dans la foule. Et malheur à qui ose se mettre en travers du chemin : il a toutes les chances de se faire ratiboiser les pompes. En tant qu’être inférieur n’ayant pas de progéniture à pousser, il n’a que ce qu’il mérite.

 

Que le pousseur ne demande pas son avis aux quidams, passe encore. Mais à l’occupant de la poussette ?
On a tendance à l’oublier : jusqu’à preuve du contraire, il y a un gniard là-dedans. Et c’est un minimum ; on ne parle pas des tanks pour jumeaux, triplés ou plus si affinités. N’est-ce pas faire particulièrement peu de cas dudit gniard que de le traîner partout tel un toutou à sa mémère ?
Si celui-ci pouvait parler (au lieu de buller dans son coin entre deux crises d’impolitesse), il commencerait certainement par déplorer l’incongruité de sa situation. De quel spectacle peut-il bien profiter à hauteur de poussette ? De paires de genoux – ou d’arrières de genoux (si quelqu’un connaît le nom de cette partie du corps, qu’il crache le morceau).

La poussette est une machine à frustrer bébé. Ou à devenir agoraphobe, chez les géniteurs les plus criminels. Si le nourrisson se sent plus tard autorisé à foncer sur les routes, faudra pas venir chouiner.

 

Fort à propos, militons pour l’instauration d’un permis poussette. Intégré au permis de pondre, pour bien faire.

Merci de votre attention.

 

Comment s’arracher les cheveux qui manquent ?

 

Les absurdités du quotidien sont autant d’occasions de vous arracher les cheveux. A condition d’en disposer en nombre suffisant pour pouvoir donner libre cours à votre fureur.

Ainsi, le nourrisson baignant dans la béatitude n’est pas concerné. S’il n’a pas de poil sur le caillou, c’est tout simplement qu’il n’en a pas besoin, toute contrariété étant écartée dans l’instant par ses géniteurs. La nature est bien faite.

Mais comment font les chauves ? Ils ne vont certainement pas s’en prendre aux mèches de leur voisin. En outre, le souci supplémentaire causé par la frustration ne ferait qu’accélérer la chute des tifs.

Sans parler des vieilles dames dégarnies. Ou des patients sortant d’une chimio, contraints de ronger leur frein en attendant que ça repousse.

Enfin, si vous êtes sur le point de vous faire scalper, sachez que Grand Sachem ne rigole pas et qu’il vaudrait mieux détaler plutôt que de gémir sur l’inconfort de la situation. Autrement dit, ne vous arrachez pas les cheveux ou l’on pourrait s’en charger pour vous.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en défrisé civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Vous arracher les cheveux de la moumoute. Attention, si vous ne maintenez pas fermement cette dernière, les rares qui ne se doutaient de rien découvriront le pot aux roses.

 

♦  Vous arracher les poils du nez. Jusqu’à preuve du contraire, on n’est jamais chauve du nez. Un peu douloureux certes mais vous aurez au moins résolu ce disgracieux problème.

 

♦  Vous arracher les poils du kiki. A quoi servent-ils de toute façon, ceux-là ? Filles du sexe féminin, vous économiserez en plus le coût du maillot.

epilation

♦  Vous arracher les poils des jambes. A quoi servent-ils de toute façon, ceux-là ? Filles du sexe féminin, vous économiserez en plus le coût de l’épilation. Cyclistes, rabattez-vous sur les poils du casque.

 

♦  Vous arracher tout court et laisser votre pilosité tranquille.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Dans quelle langue faut-il vous le dire ?

 

On a beau vous les passer au mégaphone, certaines consignes restent lettre morte. Sans raison particulière puisqu’elles sont formulées dans votre langue. Or, depuis vos chères études, aucune langue – maternelle incluse – ne trouve grâce à vos yeux. N’espérez pas de miracles en mandarin ou en bantou quand vous gâchez déjà les bijoux de famille.

 

En sus d’une forte tête, vous êtes donc une vraie bille. Du reste, ceux qui vous sollicitent n’en mèneraient pas tellement plus large en changeant d’idiome. Leurs rudiments de baragouin ne déclencheraient même pas l’indulgence des populations autochtones.

français

De votre côté, il ne vous reste plus qu’à simuler la bonne volonté, histoire qu’on puisse vous confier des trucs sans avoir l’impression de se soulager dans un stradivarius.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en métropolitain civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Ça ne veut pas rentrer par les oreilles ? Qu’on vous laisse des messages écrits ou dessinés, sans lésiner sur le Stabilo.

 

♦  Sans doute ne bitez-vous jamais un broc du fait que vous n’êtes pas né(e) à la bonne époque. Exigez qu’on s’adresse à vous en ancien françois ou mieux, en français du futur. Rigolade garantie.

 

♦  A la fois poétique et universel, le langage des signes vous permettra de communiquer en tous points du             avec n’importe quel                de votre trempe.

 

♦  Vous avez perdu tous vos points du permis de causer ? Rien de tel qu’un stage de remise à niveau pour réviser dans la bonne humeur l’orthographe du mot mégaphone.

 

♦  Si vous braillez plus fort que celui-ci, tout s’explique : vous êtes encore en âge de téter. Profitez-en bien pour n’en faire qu’à votre tête.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.