Comment éviter que la police de New York ne défonce votre porte ?

 

Malgré l’écriteau « entrez sans frapper », votre éducation vous donne encore des scrupules à entrer sans frapper. C’est pourquoi vous trouvez on ne peut plus grossier cette manière, pour ne pas dire manie, qu’ont les flics new-yorkais de faire valdinguer la porte du suspect (qui ne s’était pas spécialement barricadé) d’un seul coup de tatane. Ce qui, d’un autre côté, force l’admiration car vous-même n’en viendriez à bout qu’avec vingt-sept comparses dopés munis d’un bélier dernier cri.

C’est plus fort qu’eux, une sommation (mal doublée qui plus est) et ils prennent leur élan. Pas le temps d’arguer que ouiii on arrive, y’a pas le feu, voilà voilà, just a minute boys ; on n’est plus chez soi. Il est vrai que de ce côté-ci de l’Atlantique, l’humeur serait plutôt au pied de grue et aux coups de sonnette insistants. On ne crochèterait votre serrure qu’en tout dernier recours. Le NYPD aurait-il des actions dans l’industrie portière ?
A tout le moins, mettons ces velléités rentre-dedans sur le compte d’un vieux fond d’atavisme, mêlé de l’arrogance des pionniers. Foncer, péter sans réfléchir, c’est la contrée qui veut ça.
Et tant pis pour votre embrasure – ou ce qu’il en reste.

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en locataire civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Pour éviter la casse à coup sûr, laissez cette porte ouverte 24h/24. A vos risques et périls toutefois lorsqu’il s’agira d’aller à la poste ou au pain, sans parler des départs en vacances.

 

♦  Tout cop digne de ce nom se fera un plaisir de vous pulvériser l’entrée que vous ayez ou non quelque chose à vous reprocher. Réservez donc vos protestations pour l’interrogatoire de tout à l’heure. Dans l’immédiat, remplissez avec vos assaillants une déclaration de sinistre, aux frais du propriétaire comme il se doit. Toujours ça de pris.
Profitez-en pour dénoncer les bouses de son clébard sur vos plates-bandes. S’il y a une justice, ils iront vérifier dans la foulée la solidité de sa porte.

Obama Kicks Door Open

♦  Envoyez aux fédéraux des photos de vos mains, paumes bien ouvertes, doigts écartés, avec vos nom et adresse. Ils seront servis, eux qui piaffent toujours d’impatience à la perspective de « voir vos mains ». Vous leur épargnerez ainsi le déplacement et votre chambranle ne sera même pas éraflé.

 

♦  Optez pour un blockhaus ou, au contraire, la vie au grand air. La flicaille sera bien attrapée lorsqu’elle tombera sur votre cabane ouverte aux quatre vents en plein Central Park.

 

♦  Apposez un écriteau « je reviens dans cinq minutes ».

 

♦  Apposez un écriteau « entrez sans frapper ». On ne sait jamais.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Déblatérer

 

Malgré toute la tendresse qu’on peut avoir pour déblatérer, le doute surgit quant à son bien-fondé. Vous qui êtes allés au zoo/taquiner le bédouin savez de longue date que le chameau blatère. A peine ouvre-t-il la gueule, c’est pour blatérer. Quand chameau fâché ou non, lui toujours faire ainsi.
Alors, à quoi rime ce dé- ? Déblatérer, pure fiction ?

Mais revenons à dos de chameau, béliers (qui blatérez aussi. Ils nous blatèreront tous).

La prestance mêlée de familiarité de déblatérer ne doit pas nous aveugler plus longtemps. C’est dit, le verbe se pousse du col, par l’entremise de ce préfixe pour le moins curieux.
Est-il privatif (se moder, sarmé) ?
Rejoue-t-il le match en sens inverse (gonfler/gonfler) ?
Point, point. Déblatérer n’équivaut pas à blatérer à rebours et encore moins à s’abstenir de blatérer. Le rapport avec le râle traînant de nos amis à bosses est plus qu’étroit : il est fusionnel. Déblatérer C’EST blatérer, mes moutons.
Je veux bien que tout se vale, que tout soit dans tout et qu’on se tienne par la main for you and for me and the entire human race mais y’a des limites.

On pourrait faute de mieux échafauder l’hypothèse selon laquelle dé- se serait invité devant blatérer par mimétisme avec rouler (un discours), verser (son fiel), se lester d’un trop-plein de cancans paroles en quelque sorte.
A moins que dé-, purement explétif, ne soit là que pour atténuer l’animalité de blatérer ?

 

A y regarder de plus près, blaterare (« bavarder » en latin) a poussé sur la racine imitative bla, laquelle a bourgeonné en blabla. On a donc désigné le cri du chameau d’après celui de la pipelette. A ce compte-là, on aurait pu tout aussi bien patati-patater, si la plus humble décence et le respect dû aux patates ne nous en avaient dissuadé pour longtemps.

Mais en lorgnant franchement sur l’étymo jusqu’à en voir le soutif, on découvre que les latins disaient déjà deblaterare, « dire en bavardant à tort et à travers ». Le scandale remonte donc aux rues de Rome (et non « la sandale remonte les rues de Rome » ; innommable, comme cloche-pied).

Depuis le début, dé- signifie tout bêtement « tous azimuts » (comme dans démultiplier).

 

On a trop vite déblatéré sur déblatérer ; quels chameaux nous sommes.

Merci de votre attention.