La confiture, ça dégouline
Ça passe par les trous d’la tartine…
Mis en chanson par les Frères Jacques, cet amer constat appelle une interrogation tout aussi pertinente, si pas capitale : aurait-on formé le mot tartine sur tarte, rapport au nappage fruité ? Dans ce cas, le créneau de la « petite tarte » n’était-il pas déjà occupé par la tartelette ? Chausse-trape, coup fourré et pédalage intra-confiturier.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Jusqu’à preuve du contraire, on tartine son pain de n’importe quelle bectance pourvu qu’elle s’y étale (confiote, miel, rillettes, frogome et tutti et quanti…). La gelée de coings et la mimolette vieille font donc partie du lot ; laissons les tartinologues à leurs contradictions.
Certains sont encore capables d’appliquer une sous-couche de beurre à leur Nutella : plus qu’un scandale pour le cholestérol, un blasphème à la sacro-sainte tartine.
Laquelle met des miettes dans tous les dictionnaires depuis 1835. L’étymo nous en livre déjà une attestation isolée – car diablement sibylline – vers l’an 1500 (in Jean Molinet, Faictz et Dictz, on ne change pas une virgule) :
Sancta Barbara (…)
Gardés nous de faulses tartines,
De traïson, de faulx attraict
Et de ces langues serpentines.
Nul doute que l’épisode où Sophia avoue à Joe les mensonges d’Augusta entourant la liaison de Mason avec Kelly au petit déjeuner a dû travailler l’auteur.
Tartine apparaît au sens de « tranche de pain beurrée » début XVIIe. Encore les lexicographes s’écharpent-ils deux bons siècles sur son degré d’entorse à la langue, considérant le mot comme familier au mieux, incorrect pour les plus teigneux !
Il dérive pourtant bien de la tarte, n’en déplaise à la fine bouche des coincés du dessus, trop habituée sans doute aux brioches et tartelettes jouxtant caoua.
Meuh oui, c’était aussi tarte que ça, pas la peine d’en faire des tartines.
Merci de votre attention.