Et fier de l’être

 

Lors d’un match, tout supporter a potentiellement les honneurs d’un gros plan en direct. A la télévision, encore, il aurait juste l’air d’un gros blaireau. Mais sa trombine dans les tribunes apparaît simultanément sur l’écran géant du stade, où il se fait coucou à lui-même.
Récapitulons : on voit donc sur l’écran le blaireau en train de se voir sur son écran.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Quand la caméra se plante ainsi devant lui, la glorieuse incertitude du sport s’évapore façon fumigène : on sait exactement ce qui va se passer. L’hystérie redouble via force coups de coude au voisin et onomatopées inédites. C’est à ce moment précis qu’on coupe en régie car moui, c’est insupportable. Réalisateurs, vous l’avez bien cherché.

Perdre le fil du jeu pour un plan de coupe n’est déjà pas d’un intérêt démesuré. Si en sus le blaireau qui se reconnaît devient un spectacle, l’émotion liée à l’événement n’a plus qu’à rentrer chez mémé.

 

Certes, ceux qui filment ont des consignes : personnaliser la meute. Et accessoirement, raviver l’intérêt du blaireau quand le match somnole. Sauf que l’effet peut être exactement inverse : détourner définitivement son attention du terrain, à force de zieuter l’écran pour voir si des fois il n’y figurerait pas derechef.

 

Le vu-à-la-télé flattant les bas instincts l’ego, il est rare dans ces cas-là que la jouissance soit intérieure. Plutôt que de masquer sa surprise (tiens ? mais c’est moi), le blaireau mû par l’adrénaline partira d’un OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIS si peu télégénique qu’un autre plan de caméra – vous ferez gaffe – l’évacue aussitôt.

En régie, on a trouvé la parade : repasser dans la foulée d’une action marquante la réaction d’un blaireau pris au hasard. Lequel ne peut plus s’extasier a posteriori, rapport au continuum spatio-temporel.

 

La multiplication des caméras fait oublier que ce procédé n’a pas toujours scié les nerfs existé. Et qu’il peut très bien retourner d’où il était venu. Passé son quart d’heure de gloire, il ne devrait plus gâcher le plaisir, si ?

Merci de votre attention.

 

Sur les pavés la plaie

 

Si vous lisez ces lignes à même le smartphone, rangez-moi ça deux secondes et écoutez celle-là : en Nipponie, on construit des trottoirs dédiés aux drogués de ces khôchonneries. Pour « communiquer » zen, sans doute.

Mais revenons à nos hitsujis, moutons.

Sans verser dans le vieux-khônnisme à tout crin, si l’individualisme était galopant, il a fini sa course. Pour venir s’échouer sur ledit trottoir.
Les études l’ont montré, la trajectoire du tapoteur intempestif recoupe celle de l’homme bourré. Souriez, souriez ! Les urgentistes, eux, ne rigolent plus du tout à force de devoir rafistoler les blaireaux tombés dans l’escalier faute de décoller le nez de leur joujou.

Depuis l’invention du walkman – une paille -, on ne s’étonne plus de rien. Si la technologie permet de flâner dans sa bulle, pourquoi ne pas en profiter pour signifier « j’emmerde mon prochain » dans l’espace public ?

 

Mais, outre le coût de l’infrastructure, hors même de toute considération sociologique, l’affaire est débilos à plusieurs titres :

– elle limite les zaccidents avec les piétons normaux, certes. Mais quid des blaireaux qui viennent en face ? Ils se font tout autant rentrer dans le lard. Prochaine étape : des routes spéciales blaireaux, à collisions mutuelles.

– emporter tous ses contacts avec soi en vue de leur tapoter de partout est une perspective alléchante. Mais en mettant un pied devant l’autre ? Impossible. Un texto écrit à l’arrêt, c’est déjà pas toujours beau à voir, alors en mouvement ! Z’aurez beau goudronner exprès, on ne défie pas impunément toutes les lois de l’univers.

– pis de surcroît, c’est en battant le pavé que le cerveau s’aère. Si à leur âge les Nippons n’ont pas compris ça hein, c’est que l’idée des trottoirs leur est venue en tapotant.

 

D’ailleurs, à l’heure où nous mettons sous Press, ils sont en pleine année du mouton.
En voilà une qui tombe à pic.

Merci de votre attention.

 

Comment mettre fin à la malédiction des acariens ?

Epousseter, aspirer à intervalles réguliers : presque un devoir moral. Si sur le moment l’opération vous délivre des acariens, ces asticots avant la lettre, elle est pourtant vouée à l’échec d’une fois sur l’autre. Et le ménage (ou manège) de recommencer indéfiniment.
Pour une raison simple : les acariens ont toujours l’avantage du nombre. Ces saloperies prolifèrent par surcroît à l’échelle microscopique, ce qui fait que tac, pas moyen de déjouer leurs plans.

A l’instar de Pénélope défaisant son ouvrage à la nuit tombée, tel Sisyphe poussant désespérément son rocher, vous partez donc perdant en toute connaissance de cause.
Certains sont plus atteints que vous, qui passent leur temps à essuyer le moindre pet de moustique de leur carlingue. Mais de là à vivre dans la crasse !

 

Rassurez-vous, pas question de capituler.
D’autant que notre merveilleuse technologie nous a gratifiés du lave-vaisselle, de la machine à laver le linge et du ramasse-miettes qui débarrasse quasiment à votre place.
Et vous voudriez passer votre antique chiffon ad vitam aeternam ? Au risque d’entretenir par-dessus le marché une guerre civile larvée pour le partage des tâches ? Allons allons.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en fée du logis civilisée.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Notez déjà que les acariens n’en veulent qu’à vos murs. A l’état sauvage, ils brillent par leur discrétion. Si dame Nature n’est pas toujours immaculée, on ne peut pas dire qu’elle soit poussiéreuse. L’écosystème semble même les intégrer pour mieux en venir à bout (prédateurs, intempéries…). Dans ces conditions, vous pouvez vivre sans crainte au grand air et dormir à la belle étoile.

 

♦  Après tout, un acarien n’est jamais qu’un arachnide de merde. Laissez tomber votre encaustique favorite et appliquez partout un mini-insecticide savamment étudié pour désintégrer l’indésirable tout en épargnant meubles, sols, matériel hi-fi et planète (à défaut, disposez du papier tue-mouches partout partout).

 

♦  De même, la fabrication d’épouvantails modèle réduit filera des crises cardiaques aux envahisseurs et vous permettra de recycler fèves, Playmobil, jouets Kinder et autres bibelots de la belle-doche au cours d’une séance joyeusement créative.

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♦  Si, au premier rayon de soleil, les acariens ont l’outrecuidance de vous coloniser à nouveau (et à découvert encore bien), il y a peu de chance que ce soient justement ceux que vous venez d’expulser par la fenêtre à grands coups de chiffon. A moins de trop apprécier votre intérieur pour aller voir ailleurs, les équipes tournent. Ne vous laissez pas abuser par la ressemblance.

 

♦  Au cas où il resterait des moutons sous le lit, comptez-les pour vous endormir.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

Pourquoi ne pas s’avouer ses sentiments profonds ?

 

Ceux que vous côtoyez ignorent pour la plupart tout le bien ou le mal que vous pensez d’eux. Regrettable autocensure. Certes, la nature de vos relations s’appuie sur une certaine réciprocité des sentiments : si x recherche votre compagnie, ce n’est pas pour vos beaux yeux mais parce que vous lui montrez, plus ou moins savamment, que vous l’appréciez itou.
Ça vaut aussi – et même surtout – lorsque vous ne pouvez blairer la personne. D’expérience, vous vous doutez que ce khôn d’y ne vous porte pas non plus dans son cœur. Vous en tireriez fierté d’ailleurs, si une mutuelle hypocrisie ne vous nimbait de honte à chacune de ses apparitions.

Or, au comble de la chamade comme au faîte de la détestation, vous aimeriez que les choses soient dites une fois pour toutes et sans détour. Si la politesse, les conventions sociales et autres billevesées vous en empêchent, prenez votre courage à deux mains et mettez les pieds dans le plat, votre main dans sa gueule, votre bouche dans la sienne – libre à vous.
Pour radicale qu’elle puisse passer de prime abord, votre petite mise au point vous vaudra à coup sûr l’admiration de tous, à commencer par celle de l’autre.
Mais, pour que votre franchise ne soit pas mal perçue, sachez vous entourer de précautions.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en puits de sincérité civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Il arrive qu’exprimer tout à trac votre transport laisse votre interlocuteur de marbre. Communément appelé « râteau », cette (absence de) réaction permet au moins de lever tout malentendu et de pouvoir le cas échéant passer à autre chose.
A l’inverse, il se peut que votre vis-à-vis s’étonne que vous déblatériez à son sujet car lui vous estime au plus haut point. Dans ce cas, pas de mauvais réflexe : au lieu de bredouiller que vous n’en pensiez pas un mot, allez jusqu’au bout et intronisez-le boulet sur-le-champ.

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♦  Si c’est un gros balèze auquel vous adressez vos remontrances, assurez-vous, avant d’entamer les hostilités, qu’il soit bien attaché et/ou tenu à chaque membre par des comparses ayant suffisamment petit-déjeuné. Privilégiez pour votre coming out le jour où vous le croiserez pour la dernière fois de votre vie, afin qu’il ne retrouve pas votre trace.
Idem si vous en pincez pour la femme du gros balèze.

 

♦  Si vous vous apprêtez à déclarer votre flamme à un sourd, révisez votre langue des signes. Sans quoi vous risquez, à l’instant fatidique, de confondre « je me consume d’amour » avec « tu me sors par tous les trous ».

 

♦  Enfin, il est si simple de changer de banquier ou de garagiste qu’eux aussi méritent d’entendre leurs quatre vérités. Mais sachant qu’il ne vous reste qu’une mensualité pour le prêt de la bagnole, faites-les mariner jusqu’au mois prochain.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Les arobases anonymes

 

Moyen de mesure infaillible de la subtilité de nos contemporains : le libellé de leur adresse mail. On sait précisément à qui on a affaire dans tous les cas. Etat civil tout attaché ou discrètement ponctué, au choix. Ou dès que ça se gâte, hésitation entre le « tiret du 6 » (-) et son homologue « du 8 » (_). Que certains, au faîte du m’as-tu-vu, croient bon d’épeler « underscore ».

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A côté de sa consœur postale, l’adresse électronique apparaît souvent bidon au possible. Comme si celle-ci permettait de se « venger » de celle-là via le choix d’un pseudonyme, dont la transparence le dispute à l’originalité.
Exemple :

sbkeke80@truc.fr.

Noter la présence systématique d’un chiffre qui signale soit l’année de naissance du propriétaire, soit, davantage gratiné, son département chéri. D’aucuns poussent le vice jusqu’à indiquer une date de naissance complète, message à peine subliminal de juvénilité adressé aux épistoliers potentiels.

D’autres prendront un malin plaisir à mettre au point une combinaison de lettres et de chiffres dont eux seuls ont la clé. Elle a toutes les chances d’être retenue par le destinataire :

m-b1zaz92.balou@chose.com.

Tenez pas plus que ça à ce qu’on vous écrive ? C’est dans la poche.

Mais les plus coriaces ne s’arrêtent pas en si bon chemin, parvenant même à ce que le nom de l’opérateur nous échappe. Au point qu’on s’interroge sur son authenticité :

jm_big.rdozu4x@kestata.net.

S’ils pouvaient trafiquer l’arobase, y’en a qui se rueraient.

 

Faut pas exagérer, tout le monde n’a pas un blase si commun qu’il faille le crypter pour se donner un genre, si ?

A l’instar du blaireau qui ne roule d’un point a à un point b qu’avec toutes les options, celui qui customise sa messagerie en code codé le fait pour des nèfles puisqu’il ne génère que des erreurs de routeur.
Ou des regrets du temps d’avant la Toile, c’est dire.

Merci de votre @ttention.