Burlesque

 

Si gigantesque est bâti sur géant, dantesque sur Dante et grotesque sur des fondations tout aussi pittoresques, pour burlesque on ne voit pas. Viendrait-ce de burlat ? Cerise sur le gâteau serait-ce.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Le mot lui-même est rigolo, qui

développe des idées extravagantes à l’aide d’expressions bouffonnes, voire triviales, en vue de divertir.

Attention, marrade assurée.

 

Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, on dit d’ailleurs bourlesque. Francisation éhontée de l’italien et de l’espagnol.

C’est de ce dernier que viendrait burla, reine mère de notre burlesque. Cette « farce » ou « parodie » engendre rapidos l’adjectif transalpin burlesco, notamment dans la locution « alla burlesca », « dans un style burlesque » (sans blague ?).

Mais quid de burla ?

Selon toute vraisemblance, une contraction de burrula, du bas latin burra, au figuré « niaiserie », au propre « étoffe grossière » portée comme une bure par les bourrus de tout poil. Parfois même au bureau, ce « tapis de laine » devenu par métonymie la « table » ainsi recouverte.

 

Par la barbe de Ste-Moustache ! Quel rapport entre ce qui bourre (bourrelet, bourrage, boudésespoir) et le fendage de poire inhérent au burlesque ? Le même qu’entre farce et farce.
Avant de faire rire au théâtre, celle-ci ne consistait-elle pas en un intermède liturgique, introduit comme de la farce dans un mets ? Bien sûr que si, qu’elle consistait en un intermède liturgique, introduit comme de la farce dans un mets. Ce que c’est que la langue.

 

Les Ardéchois lèvent le doigt depuis tout à l’heure. Pour mieux sentir le vent sans doute. Car burler est bien le fait de la burle qui souffle sur le Massif central mais dont on n’entend jamais parler à la météo alors que ni « mistraler » ni « tramontaner » n’existent. C’est bien la peine de souffler.

 

Par grand vent, il n’y a rien de spécialement burlesque à enfiler une petite laine, mes moutons.

Merci de votre attention.

 

Se dépêcher

 

Rien n’est plus étranger au pêcheur que le fait de « se dépêcher ». Notez aussi qu’on se dépêche plus volontiers en ayant la pêche. Allez comprendre. Si le préfixe est privatif (comme l’étang), s’agit-il du même –pêcher que dans empêcher ? Et si on voyait ça rapidos, sans vouloir vous presser ?

Mais revenons à nos goujons, moutons.

Saviez-vous que l’usage du verbe sans son pronom s’est perdu (à un moment connu de lui seul) en tant que synonyme de « bâcler » et – le mot n’est pas trop fort – de « torcher » ?

dépêcher ses devoirs ;
dépêcher son repas.

Il en reste quelque chose dans le fameux

Dépêchons

dont on a du mal à décider s’il est familier ou soutenu.

Heureusement,

Grouillez-vous ;
Magnez-vous le tronc ;
Sortez-vous les doigts du cuuuuuuuul

sont nettement moins ambigus.

Blague à part, il faut poireauter jusqu’en 1740 pour trouver notre verbe avé les accents. Mais dans un premier temps, « se depescher » signifie « se délivrer, se libérer ». Vu sous cet angle, c’est effectivement l’antonyme d’empêcher, qui n’est rien d’autre qu’« entraver » (vous entravez ?). On conçoit alors que « se dépêcher » ait endossé cette connotation d’urgence (« se dépêcher de qqn » revenant même à le « zigouiller » sans autre forme de procès en plein XVe siècle).
D’où l’idée d’« expédier fissa » qui se matérialise dans la dépêche, portée par un larbin qu’on a dépêché tout exprès.

 

N’empêche, on n’a toujours rien pêché du côté de –pêcher, avec ça.
Bé croyez-le ou non, voilà à quoi ressemblait empêcher avant qu’une lente érosion ne le rabote : « ampagier ». Et dans les bons jours, « empeechier ». Ah restez polis : ça sont les fruits de la décantation du bas latin impedicare, formé sur le substantif pedica, qui eeeh oui a donné piège. Figurez-vous qu’on mettait la chose aux pieds des chevaux pour éviter qu’ils ne s’enfuient sur leur fidèle destrière, les fieffés.

 

Au fait, on a trop vite expédié expédier tout à l’heure. Pourtant, qu’y lit-on ? Expedire, littéralement « débarrasser le pied »… Mais c’est le jumeau caché de dépêcher !

On n’a jamais fini de prendre son pied avec l’étymo.

Merci de votre attention.