Comment faire avaler à autrui que personne oncques ne clamse ?

 

Contrairement au bébé ou à l’éléphant s’ébrouant dans leur parc, l’homme sait qu’il va mourir. Tristesse fondamentale dont ne le console guère son intelligence supérieure.

Du reste, que vaut-il mieux ? Etre khôn comme une mouche et tout ignorer de ce destin funeste ou conscient de sa finitude et mettre à profit chaque seconde ?

 

On vous voit venir. Soumis à la dure loi de la jungle, l’animal ne sait-il pas que la mort rôde ? Assurément si : autour de lui seulement. Il ne fait déjà pas le rapprochement entre coït et reproduction, laissons-le au moins copuler tranquille sans rien lui révéler de ce qui l’attend quand le prédateur fond.

 

Quant à vos semblables, vous pouvez toujours apaiser leur angoisse en les persuadant que la mort n’existe pas, malgré les apparences.

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en dissimulateur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  La plus courue : entrer dans les ordres. A force de seriner à vos ouailles qu’il y a une vie après la mort, c’est bien le diable s’ils ne finissent pas par l’intégrer. L’une ou l’autre brebis égarée s’interrogera sans doute : « mais comment sait-on qu’il y a un paradis et un enfer si personne n’en est jamais revenu pour en témoigner ? ». Condamnez-la au bûcher. Ce ne sera qu’un mauvais moment à passer étant donné qu’il y a une vie après la mort.

 

♦  « Mais alors, où sont passés les grands anciens s’ils sont toujours en vie ? », insistera-t-elle car plus la brebis est égarée, plus elle est têtue. Dites-lui qu’ils sont très très très très vieux et qu’ils ne peuvent plus se déplacer comme du temps de leur glorieuse jeunesse.

 

♦  « Mais alors, quid des assassins, dictateurs et autres raclures en tous genres ? Est-ce à dire qu’ils sont encore parmi nous ? ». Point point, ceux-là sont parqués dans des lieux tenus à l’écart où ils subissent des châtiments à la hauteur de leurs crimes.

 

♦  « Mais alors, qui peuple les cimetières depuis la nuit des temps ? ». Précisément les vilains ci-dessus, ils sont enterrés vivants, c’est leur punition, ils l’ont bien cherchée.

 

♦  « Et les accidents mortels alors ? ». Un complot du gouvernement pour justifier le code de la route.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Hello Dolly

 

Mes moutons, voici de quoi faciliter le projet d’évasion de votre esprit, qui d’ici quelques heures s’éloignera subrepticement de la tablée entre la dinde au chocolat et la bûche aux marrons (ou l’inverse) (ou les deux) : si Dolly est « la première brebis clonée », quel est le nom de l’autre ?
Hein ! Heureusement que Mouton en chef pense à vous.

Mais revenons à nos Dolly-Dolly.

Scientifiques et journalistes n’en piperont jamais mot. Le secret n’a d’ailleurs pas besoin d’être gardé : notre ébahissement devant la prouesse nous empêche de tilter quoi qu’il arrive.

Pourtant, « la première brebis clonée » peut s’entendre de deux manières :
soit on parle du premier animal à s’être fait cloner,
soit du résultat de ce clonage.

Troisième manière de l’entendre : par l’oreille. Je demanderai à celui qui vient de souffler ceci de bien vouloir quitter les lieux le temps de l’exposé merci.

Dans tous les cas, on a bien deux exemplaires. Angoisse : lequel est Dolly ? Et surtout, la grande oubliée dans l’histoire, comment s’appelle-t-elle ?

 

Pas la peine d’en faire un fromage, dites-vous (un fromage, deux brebis ; foutez-moi le camp voulez-vous). Cloner, c’est reproduire à l’identique. Il n’y a donc plus, à proprement parler, ni original ni copie mais la même brebis autant de fois qu’on veut ; plus de raison de différencier chacune. Concept vertigineux s’il en est !

Dès lors, ne serait-il pas plus juste de dire « Dolly 1, 2, 3… » jusqu’à l’infini ?
« Dolly » tout court est à proscrire car comment savoir à combien on en est ?
« Dolly, les premières brebis clonées », à la rigueur ? Un peu embarrassant puisque la langue de Shakespeare commanderait « Dollies » au pluriel (lobby → lobbies, sixty → sixties, etc.). Or un nom, anglais ou pas, n’a pas de pluriel, ce qui ajoute à l’aporie.

 

Tournée de Dolly-Prane pour tout le monde ?

Merci de votre attention.

Et gobez pas tout d’un coup.