Document

 

Tégument, cette « couverture » pour initiés, provient du verbe latin tegere (participe tectum) dont les préfixes ont lancé la carrière française (pro-téger et d’autres que vous dé-tecterez tout seuls). Docere (participe doctum) a donc accouché de document. Et aussi de docteur, pas besoin de se documenter bien loin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Et zieutons les abréviations : dans l’intimité, document et documentation deviennent bien un ou une doc ; idem pour le médecin de famille. Documentaire a droit à « docu », pour pas confondre. Documentariste n’a pas de petit nom en revanche – sauf JP, dans l’éventualité où il s’appelle Jean-Pascal.

Docere, donc, signifie « enseigner, instruire » comme nous l’enseigne l’indo-européen deik (« montrer »), qui laisse derrière lui pas mal d’indices : latin dicere (« dire »), discere (« apprendre »), vieux grec didaskein (« enseigner, instruire » derechef), à l’origine de didactique et des didascalies chères aux théâtreux.
Il va sans dire que le disciple d’un docte professeur avalera sa doctrine docilement.

 

Quant à l’« enseignement » que constitue le document, il prend généralement la forme d’un papelard, à la limite du quelconque :

un document.

Ou au contraire, d’un trophée à la limite du scoop :

un document.

Auquel cas on lui fourgue l’adjectif exceptionnel, voire unique si on est à court (ou à jardin, selon la didascalie).

 

Attardons-nous zenfin sur -ment, suffixe interchangeable avec son compère -men. Il aurait donc suffi d’un rien pour que la face de cérumen ou de légume changeât du tout au tout.
Si vous venez de prendre pour vous « légume » ou « face de cérumen », vous êtes de sacrés spéciments.

Merci de votre attention.

 

Cartoon

 

Le permis, la rencontre avec l’âme sœur, les waters salvateurs où vous vous soulageâtes in extremis n’atteindront jamais cette acmé existentielle : les cartoons.
On parle ici des dingueries ciselées à l’ancienne, qui faisaient en six-sept minutes le tour de la question.

Votre auriculaire vous susurre que cartoon serait une déformation états-unienne des cartons qui défilent au générique. Que vous soyez changé en coyote si cette hypothèse faisait pschitt (ou –  pfffhhhhhh  –, tel le canidé poissard s’abîmant en contrebas).

Mais revenons à nos ovidés, moutons.

L’émission Ça cartoon !, ça ne nous rajeunit pas, fit les beaux jours d’une chaîne cryptée. Cartoon cartonne : le calembour retomberait-il comme un soufflé ? J’en ai peur, il y a du vrai dans cette histoire de carton. Qui cependant commence après l’entrée en fanfare, avec les images elles-mêmes.
Dès la fin du XVIIe siècle, carton désigne un dessin servant de modèle, réalisé sur un papier épais qui en prendra le nom. Avec l’essor des magazines illustrés outre-Atlantique, le terme y devient cartoon en 1843. Puis synonyme de « dessin animé » quand le genre porte les comics à l’écran au milieu des années 1910. Mettez-vous à la place des animateurs de la Warner ou de la MGM peaufinant les crayonnés qui marqueront les moments clé d’une séquence : autant de cartons formant cartoon.

De même, un salon dont le tord-boyaux favorise le glaviot viril s’appellera saloon. Rien à voir avec les bars chic en bordure de lagon où ne se sirotent que des Blue Lagoon. Je vous laisse avec Platon et Platoon, faites pour le mieux.

 

Une aphérèse popularisée par Roger Rabbit va jusqu’à baptiser toons les personnages de cartoons. Hors de contrôle, ceux-ci mènent leur « vie » propre dans le monde réel… lui-même fiction sous l’œil de la caméra. Ton sur ton : ç’a fait un carton, mes moutons.

That’s all folks !