Ecraser comme une merde

 

Je vous écraserai comme une merde :

la menace n’est pas à prendre au sérieux. A quand remonte la dernière fois où vous avez intentionnellement écrasé un étron ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Contrairement à ce que laisse entendre cet énoncé avec ses airs supérieurs, avoir les chaussures pleines de caca met rarement en joie. A telle enseigne que pour conjurer le sort, la superstition veut que « ça porte chance ». A condition de marcher dedans malencontreusement, rappelons-le.
Or, le fait d’écraser ne prête le flanc à aucune équivoque : on y met sciemment le pied.

 

Et n’allez pas chercher un sens caché dans ce comme. La conjonction ici n’a pas valeur de comparaison, comme dans

je vous écraserai comme un bulldozer.

Elle sous-entend bien sûr :

je vous écraserai comme on écrase une merde,

attendu que merde ne peut être le sujet d’écraser.

Le locuteur se tire donc une balle dans son pied puant : on n’écrase pas une merde de gaieté de cœur. Ou alors, dans un contexte bien particulier, avec un partenaire consentant – et dans consentant, on sait ce qu’il y a.

 

La seule raison d’être de ce gigantesque contresens est la possibilité de traiter l’autre de « merde » au passage. Lancez-lui :

vous êtes une merde,

le compte n’y est pas.

Si vous dites :

je vous écraserai,

non plus.

L’image du bulldozer, trop mécanique, peine elle aussi à convaincre.

Seul

je vous écraserai, pauvre merde

s’en tire avec les honneurs.

Merci de votre attention.

 

Démanteler

 

Il n’est jamais question de « remanteler » après s’être amusé à démanteler. Peut-être y verrait-on plus clair en démantelant tout ça ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est que le verbe recouvre différents sens. Par ordre d’apparition :

démolir les murailles, les fortifications organisées qui défendent une place forte.

Chez les géologues,

détruire par érosion une couche de terrain en laissant des blocs épars en surface.

Par extension,

démolir une construction, en disjoindre par la force les éléments constitutifs.

Puis

détruire ce qui se présente comme un ensemble organisé et l’éparpiller.

En bref, tout péter pour faire table rase.

demanteler

Castel → château, mantel → manteauDémanteler entretiendrait-il une relation coupable avec ce dernier ? Si votre escorte se démantèle devant vous, le verbe n’a déjà plus l’air si terrible.
Et pour cause, il est l’inverse d’emmanteler, « couvrir d’un manteau », que les Zanciens avec leur âme de poète voyaient comme une protection universelle.
Nous-mêmes avons gardé un faible pour le mot, comme en témoignent « sous le manteau » ou le manteau de la cheminée, où l’on vient se réchauffer les arpions à cause de la neige et de son « blanc manteau » (et la neige elle-même, où est-elle, dans ce cas ?).

 

Notre mantel première manière est inspiré – pour ne pas dire pompé – du latin mantellum : manus (« main ») accolé à tela (« toile »), on connaît la manœuvre.

 

Au cas où vous étiez parti avant la fin chasser la raie manta, on reste en plein dans le sujet : l’envergure de la bête rappelle la « couverture » espagnole qui lui donne son nom.
D’ailleurs le démantèlement des mantas semble inéluctable. Les pêcheurs sont des malades mentaux.

Merci de votre attention.