Sable

 

En ces temps moites, certains rêvent de sable comme d’autres d’altitude ou de barbe à papa. Ajoutez « mouvant » et le rêve devient cauchemar. Au moins, altitude est préservé. Barbe à papa aussi, à cause du pléonasme.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est très surfait, le sable. Rappelons qu’il consiste en un

matériau granulaire constitué de petites particules provenant de la désagrégation d’autres roches dont la dimension est comprise entre 0,063 (limon) et 2 mm (gravier). Sa composition peut révéler jusqu’à 180 minéraux différents (quartz, micas, feldspaths) ainsi que des débris calcaires de coquillage et de corail.

Bref, un beau bordel.

Version transalpine :

tipo di suolo composto da grani medio-piccoli, poco fertile e permeabile, derivato dalla frammentazione di rocce sedimentarie, dall’aggregazione di minerali o dalla decomposizione di esseri viventi.

Limpidissime. Voyons l’érosion en accéléré.

 

Né en plein XIIe du latin sabulum, sable reste encore insaisissable trois bons siècles. Se faisant parfois appeler soble, on hésite sur son genre jusque fin XVe. Il a l’honneur de s’écouler dans le sablier depuis 1552, ce qui représente un bon paquet de sabliers.

 

L’herbe est plus verte ailleurs, paraît-il. Mais quid du sable ? Ne vous en déplaise, le sabbia transalpin comme l’anglais et l’allemand sand proviennent du même limon indo-européen bhes-, « répandre », pilé en s- pour y accueillir le « gravier » bhlo-ô.

Pas étonnant qu’on en retrouve partout ! En cuisine (« pâte sablée », « petits sablés »), dans les « rouages » (un seul grain et c’est le blocage), dans les couples infernaux sableux/sablonneux (selon que le terrain contient du sable ou en est recouvert) et « sabler/sabrer le champagne » (controverse qu’il serait vain de vouloir éteindre à cette heure).

Quant au « marchand de sable », on ne le voit jamais. Encore une histoire pour nous endormir, si ça se trouve.

Merci de votre attention.

 

« Omnibulé »

 

Idée fixe de certains : imposer « omnibulé » à la face du monde. Ecrit, selon les versions, « omnibullé », « homnibuller » (accord du participe), « ovnibullé » (changement de dimension) ou « plaie variqueuse » (phlébologue obnubilé par son art).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Sous l’influence conjointe de bulle et du préfixe omni- (sans oublier somnanbule et omnibus pour la sonorité), les brebis particulièrement égarées ajouteront le pléonasme à l’incurie :

il est complètement « omnibulé ».

Si « omnibulé » revient à être – et ce sera la seule circonstance atténuante – « totalement dans sa bulle », pourquoi compléter par « complètement » ?
Remplacez par omniprésent : on en a envoyé au coin pour moins que ça.

 

Certes, s’aventurer dans le registre soutenu est tout à fait complètement louable. A condition de partir équipé.

Mousqueton. Lampe frontale. Etymo.

 

Obnubiler n’a rien de mystérieux pourtant, c’est du pur latin. Obnubilare, pour vous servir, soit « couvrir de nuages ».
Lâchez donc les baskets à omni-, il n’y a que ob- qui vaille, comme dans obscurcir. A ne pas confondre avec Omskirçur, crique lapone tellement obscure que personne ne sait si elle existe vraiment.

Quant à nubes (« les nuages »), ils entraînent dans leur nuée nébuleux et nimber, parmi cinquante autres nuances de gris, dont nubile. Quel rapport entre l’utérus et le nimbus ? Tout doux mes agneaux : nubilis (« en âge de se marier ») éclôt du verbe nubere (« prendre le voile »). Un « ciel voilé » paraphrase avantageusement « nuageux », tous les monsieurs et madames météo vous le diront.

 

Pour laisser définitivement « omnibulé » au placard, songez à « obsédé ». Ou mieux, à « aube nubile ». Abstraction faite de toute idée tordue SVP.

Merci de votre attention.

 

Conciliabule

 

Encore une merveille latine que ce concile miniature, généralement en petit comité, à l’écart des zoreilles indiscrètes, en vue de fomenter une quelconque riposte ou tactique. En gros, un moment où les idées fusent entre personnes de confiance et ça c’est quand même drôlement chouette.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Chez les ecclésiastiques, conciliabule désigne à l’origine une « réunion de prélats » pas catholiques. Donc, pas en odeur de sainteté :

Ce n’était pas un concile, c’était un conciliabule.

Les premiers chrétiens, pas fous, se gardèrent concilium pour eux et optèrent (en concile ?) pour qu’un « concile de schismatiques » fût appelé conciliabulum. Voyez le dédain.

Plus tard, les hommes des montagnes sacrées découvrirent une eau si pure qu’ils décidèrent de la mettre en bouteille et qué s’appellerio Quézac mais il se pourrait qu’on s’égare.

 

Un conciliabule, donc, n’est autre qu’une charmante « petite assemblée ». Au milieu de laquelle, une fois enlevés tous oripeaux tels que préfixes, suffixes et autres futilités, on repère le verbe ciere (« mouvoir »), à peine adapté de l’indo-européen kei- que les amateurs de kinématographe connaissent bien.

Il suffisait d’y ajouter con- pour obtenir conciere : « assembler, réunir, soulever une foule ».
Car ainsi que l’avait pigé Brassens :

Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
Est plus de quatre, on est une bande de cons.

Une « réunion » devenant concilium, ne manquait plus que –bulum pour le côté mignon, comme dans vestibule ou tintinnabuler.
Attention, « papier à bulles » n’entre pas dans cette catégorie car il ne constitue en aucun cas une variété de « petit papier », ni même de « papier » à proprement parler. Que la langue est cocasse hein hein.

 

Enfin d’aucuns, jamais à la traîne question fainéantise, y vont de leur conciliabuler, signifiant d’après eux « tenir conciliabule ».
Rions-leur au nez, à ces schismatiques.

Merci de votre attention.