Ornithorynque

 

Waaaah !

se serait-on écrié devant le premier ornithorynque.

Kwaaaah !

se serait écrié l’intéressé à l’appel de son nom.

Mais revenons à nos monotrèmes, moutons.

Mammifère amphibie (déjà), ovipare (en plus), à fourrure (tant qu’à faire), venimeux (ben voyons), muni d’un large bec (laisse tomber sa proie) et d’une queue plate (on aura tout vu), l’ornithorynque a au moins la décence de vivre dans des terriers.

Si le bestiau est mystérieux, son étymo l’est beaucoup moins.
Nom scientifique latin : ornithorhynchus. On dit latin pour ne pas dire grec, hein, z’êtes pas dupes.

Rhunkhos d’abord, « groin d’un porc ou d’un sanglier ; nez ou museau d’un animal ; bec d’un oiseau ». Le Grec, tout lui va.
Justement tiens, bec de canard, pattes palmées : autant de caractéristiques propres à l’ornitho-, l’« oiseau » cher aux ornithologues.
Au fait, l’ornithogale est tout sauf une « asperge sauvage » puisqu’elle tire son nom de ses fleurs blanches rappelant aux Zanciens le « lait d’oiseau », alors poupougne.

 

Littéralement donc, un ornithorynque est donc « à bec d’oiseau » donc.
On est encore à deux doigts du pléonasme, était-ce bien la peine de verser dans le tarabiscot.

 

C’est qu’on y tient : pas touche à l’ornithorynque. Il est d’ailleurs amoureusement couvé partout : ornitorink (breton), ornitorrinco (espagnol), ornitorinko (espéranto), ornitorinco (italien), ornitorrinco (portugais), ornitorinc (roumain), ornitorenk (turc)… Sauf chez les principaux concernés. Les Zaustraliens, en effet, avaient d’abord pensé à platypus, qui lui allait comme un gant mais qui désignait déjà une espèce de scarabée à « pieds plats ». Ils durent donc se rabattre sur duck-mole, soit très exactement « canard-taupe ».
Le légendaire pragmatisme britannique. God save the ornithorynque.

Merci de votre attention.

Chic

 

Il n’est plus du dernier chic mais a su rester chic. C’est un chic mot, chic.

Mais revenons à nos moutons, moutons. Chic chic.

Nom, épithète, interjection, chic est protéiforme sans varier d’un pouce. Certains outrecuidants ont bien tenté d’y mettre des rallonges :

chicard, chicart, chiquart (adj.),
chiquement (adv.),

peine perdue. On ne touche pas à chic sans le dénaturer.

 

Il est vrai que peu de confrères peuvent se targuer d’être aussi inaltérable. Hormis chouette qui lui emprunte les mêmes caractéristiques, notamment s’il est antéposé, pour parler grammairien :

une chouette fille

=

une chic fille.

‘Tention, ça n’en fait pas pour autant

une fille chic.

Coquetterie et beauté intérieure peuvent ne pas aller de pair. Pour ne vexer aucune nénette, chic reste donc unisexe. Dès lors, la graphie chique n’a plus qu’à goûter une désuétude bien méritée.

 

C’est son attitude foncièrement positive qui vaut à chic de jouer les caméléons.
1793, « air dégagé, aisance » (→ « avoir le chic pour »), 1823, « subtilité, finesse », 1835, « élégance ». Le tout, vous allez rire, à cause de l’allemand schicken, « envoyer », au sens propre « faire que quelque chose arrive ». Bientôt arrivent les notions de « préparer, arranger » puis de « convenable ». Sich schicken in : « accepter », « es schickt sich nicht » : « ça ne se fait pas ». Jusqu’au Schick originel, vraisemblablement introduit en Gaule via l’Alsace limitrophe.

 

Autre hypothèse circulant sous le manteau : chic serait issu de chicaner, « chipoter, ergoter », croisement de ricaner et du radical chi- à l’œuvre dans chichi et chiquenaude.
Par ailleurs, la chicane languedocienne désignait un genre de golf (sport de petits coups chichiteux par excellence), d’après le persan chaugan, « bâton recourbé » préfigurant le polo.

 

Et chik alors ? Figurez-vous qu’en tanzanien des hauts plateaux, chikungunya signifie littéralement « qui se recourbe », rapport au dos voûté par ledit virus.
L’étymo n’a pas fini de nous couper la chique.

Merci de votre attention.