Une frange non négligeable de la population aurait du mal à « boucler ses fins de mois ». Ceux qui dressent ce constat ne seraient-ils pas mieux avisés de la boucler ?
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Comme toujours dès qu’il s’agit de pognon, la langue divague.
« Finir le mois », on voit bien. « Boucler le mois », à la rigueur. « Avoir des fins de mois difficiles », on ne le souhaite à personne mais le concept est limpide. Le « bouclage de fin de mois », lui, se dérobe à l’esprit dès qu’il se sent observé.
Tâchons de suivre le raisonnement. Ceux qui ne roulent pas sur l’or (v’là que ça redivague) peineraient donc plus à « boucler la fin » de janvier que celle de février, années bissextiles incluses ?
Soit une « fin de mois » commençant à
n-5
où n est le dernier jour du mois.
Ceci posé, toutes les « fins de mois » jusqu’en décembre auront 5 jours, c’est mathématique.
Partant, le problème vient plutôt de boucler. L’on se gargarise du verbe à cause du budget qu’on n’est jamais fâché de boucler en effet. Or, contrairement à l’expression du jour, « boucler un budget » consiste moins à ne pas l’épuiser trop tôt qu’à y mettre la dernière main. « Avant même que l’exercice ne commence à courir », ajouteraient les pognonneux. Une divagation de plus, heureusement non dénuée de poésie.
Sans compter les interférences avec « se boucler la ceinture », qui joue remplaçant quand « se la serrer » est blessé. Au fait, boucle-t-on sa ceinture ou seulement la fin de sa ceinture ? Ah.
Ne nous privons pas des richesses de la langue. Pourquoi ne pas « tirer le diable par la queue » ou « joindre les deux bouts » (que les Zanglais nous envient avec leur « make ends meet ») ?
Merci de votre attention.