« Veni, vidi, vici »

 

Suis venu, ai vu, ai vaincu.

L’a pas de mérite, le Jules. Dans sa langue maternelle, les pronoms personnels sont fondus dans la conjugaison. Devrions faire pareil.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Grâce au latin, la postérité du mot était donc servie sur un plateau. Est-ce en souvenir de celui d’Alésia que nous prononçons vici « vitchi » ? Voilà qui ne ressemble à aucun latin homologué. Au mieux, à « Vinci ». Voire à « Nina Ricci » pour les filles du sexe féminin. Dans le doute, nous le déclamons à la ritale, ou à la corse, vaguement.

Mais Jules César n’était pas corse, tout empereur qu’il était.

Et il ne jactait pas encore italien, quoique taulier de Rome.

 

La blitzkrieg imperatoris l’illustre une fois encore : question prononciation, le Français défèque dans la colle. Il faut toujours que nous singions la couleur locale, peu importe laquelle, c’est plus fort que nous.

Tout le monde n’a pas appris son rosa, rosae, rosam sur les bancs de l’école, entonnent les bougons. Commencez pas ; le latin irrigue tellement le français que le considérer comme une langue morte revient à pelleter sa propre sépulture.

Pas enquiquinant en plus, comme patois. Seules quatre lettres changent de sonorité :
U
n’a même pas besoin de o pour faire [ou].

J
en revanche a besoin de u pour faire [iou], comme dans Julius.

V
précède également les voyelles pour s’épanouir en [w].

Quant à c, c’est là que ça coince. Ben quoi ? Comme dans coincer. Précisément, comme le début de coincer. En latin, c fait toujours [k], jamais [s]. Même devant une voyelle, woui woui. César a vici, sa victoire est donc sans appel.

 

Droits dans nos sandales, partons d’un authentique :

Wéni, widi, wiki.

Ça fera plaisir à tous les encyclopédistes en ligne.

Merci de votre attention.

 

Le clapotis de la Mersey

 

Sommés de s’expliquer en leur temps sur le « Mersey sound » dont on les tenait pour dépositaires, les Beatles rigolèrent bien fort comme à l’accoutumée :

We don’t think there is such a thing as the Mersey sound. That’s just something journalists cooked up, a name. It just so happened we came from Liverpool and they looked for the nearest river and named it. The only thing is that we write our own songs.

Et hop, dans le vent aussi, les journaleux.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est vrai ça, aligner les mots

festival du film italien

est une commodité de langage. Mais quoi ?

Festival des films italiens

sonnerait quand même plus juste, no ? On y zieute bien des œuvres de cinéastes qui se trouvent être italiens mais qui ne se sont jamais dit : « Tiens, je vais faire du cinéma italien ». Même pas en italien.

De même, causer du « cinéma français » en tant qu’industrie, passe encore. Mais précédé, les soirs de remises des prix, de

la grande famille,

c’est à inonder sa lingerie intime. En fait de « famille », voilà un milieu où, concurrence oblige, la taille des egos incite davantage à dire pis que pendre du voisin qu’aux câlins institutionnels.

pathé

L’estampille du pays ? Le comme-une-otarie-sme ultime. Evidemment, on peut en retrouver la langue, le décor et, incidemment, les « valeurs » à l’écran. Mais s’amuser à dénicher la belgitude dans Tintin, très peu pour nous lecteurs. Laissons ça aux zexégètes et aux détaillophiles – qui eux-mêmes admettront perdre leur temps (parce qu’ils le veulent bien) à des carabistouilles.

Comprenons-nous bien : on peut toujours dégager des courants ou des constantes mais après coup. « La peinture canadienne ». Mettez-vous dans les pompes de l’aquarelliste d’Ottawa et définissez vos croûtes en cinq lignes.

 

Non seulement c’est donner une importance démesurée au lieu d’origine en tant qu’il façonne une vision du monde, mais c’est passer à côté de ladite vision, propre à chaque artiste. Les vrais hein, les moins enclins à se voir rangés dans des boîtes justement. Ceux qui, sans se laisser perturber par l’agitation du monde, rendent un hommage plus ou moins indirect à leur propre existence.

No one I think is in my tree.

Merci de votre attention.

 

Comment avoir de ses nouvelles sans passer par la case réseau ?

 

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.

Rendons ses affaires à César, c’est à Lamartine qu’on doit cette fameuse vérité. Et la sagesse populaire d’embrayer, avec l’adage :

Loin des yeux, loin du cœur.

Pas besoin de refaire les calculs, la salope l’équation se vérifie toujours.

Vous vous targuez pourtant de la faire mentir en tapant le nom de l’être en question dans un moteur de recherche tout blanc. Ou en contemplant son mur sur un rézosocio tout bleu (dont le nom et l’intérêt m’échappent). Autant de précautions déployées pour que l’autre ne sache pas qu’il vous manque.
C’est complètement khôn, sauf votre respect. Aurait-il vent de votre démarche qu’il y verrait à coup sûr non un aveu de faiblesse mais une marque d’affection. A en devenir tout rouge, même.

Mais en opérant incognito, point ne donnez-vous de vos nouvelles. Peut-être qu’en tapant de son côté…

Ta-ta-ta. N’apparaît sur la Toile que ce qu’on veut bien lui concéder : statut éphémère, photos sans intérêt, agrémentées au mieux de broutilles commentées à chaud. Maigre pitance. Et à supposer que vous trouviez son blog, ce journal intime tout sauf intime, il ne vous révèlera que la partie émergée d’un iceberg insoupçonné. De quoi regretter plus encore l’époque où vous pouviez voir sous l’eau.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en curieux civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Un ami commun vous pourvoira en nouvelles fraîches. Mais l’ouï-dire n’est-il pas encore une forme de réseau ? De seconde main, les infos seront sinon erronées, du moins parcellaires.

 

♦  Téléphone ou mail faciliteront l’approche. Mais les télécommunications ne constituent-elles pas un réseau dans toute sa splendeur ? Distillées à distance, les infos risquent elles aussi de manquer de naturel.

reseau

♦  Demandez-lui plutôt comment ça va de vive voix, en faisant mine de passer par hasard dans le quartier. S’il ou elle s’est installé(e) à Acapulco ou dans le Grand Nord depuis la dernière fois, prétextez que le monde est petit. Il est grand temps que brillent vos talents de comédien ainsi que la lanière de vos tongs/la truffe de vos huskies.

 

♦  Tout bien pesé, le moyen le plus fiable d’obtenir un compte rendu exhaustif des événements est de les vivre en temps réel. Pour ce faire, introduisez-vous directement dans sa tête, d’où vous pourrez tout voir. Y compris vous-même et tout ce qu’il ou elle ne vous raconte pas. Et là, je ne vous raconte pas.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.