Brin de persil

 

A l’heure du repas, à travers tout le pays, ceusses qui incarnent la cuisine française accomplissent comme un seul homme ce geste d’une originalité suprême comme leur volaille : orner du brin de persil réglementaire le moindre mets. Une réduction de gonades en persillade, voilà ce qui leur pend au nez.

Mais revenons à nos rosbifs, moutons.

FAUT ARRÊTER, AVEC LE BRIN DE PERSIL.
Utilité ? Néant : ceux qui le bouffent cru ne se trouvent pas sous le sabot d’un steak de cheval. Il n’entre même pas dans la composition du frichti adjacent ; l’élément rapporté dans toute sa splendeur.
Frisée ou plate, la potiche n’est là que pour faire joli. Et encore, au moment du service.

Car c’est là que réside la subtilité : pour attaquer la couche inférieure, l’attablé doit retirer le papier-cadeau. Qui, de décor éphémère, devient garniture de bord d’assiette, jusqu’à ce que le serveur lance « terminé ? ». Quant à la finitude du brin de persil, tout le monde s’en fout. Il sera condamné aux poubelles du gourbi sans avoir eu l’honneur de visiter votre palais.

Songez au nombre de bouquets sacrifiés sur l’autel de cette tradition à deux ronds. Combien de farces, coulis, cassolettes, pots-au-feu, privés à la cuisson d’une telle manne ombellifère ?

Feuille de salade, fane de radis, florette de chou romanesco apporteraient une touche tout aussi verdoyante à l’ensemble.
S’il faut absolument de la couleur pour la couleur, pourquoi pas une cerise juchée sur promontoire salé, pour changer de son sempiternel gâteau ? Ou un trait de curaçao, non mais pourquoi pas hein ?

 

Chefaillons, point ne le feriez-vous pour vous-mêmes : épargnez cette faute de goût au client. Et pour l’amour de Zeus, ne confondez pas pupilles et papilles. Ou alors, renouvelez vos faire-valoir.

Merci de votre attention.

 

Auparavant

 

Contrairement aux apparences, auparavant ne peut se décomposer en « au paravent » et n’entretient donc que peu de rapports avec l’étymo d’auparavant consacrée à vent.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Du haut de sa stature adverbiale, auparavant résume à lui seul « avant cela ». Pour les grammairiens, comme pour nous tous du reste (mais nous, on n’arrive jamais à le formuler comme eux), il marque

l’antériorité d’un fait par rapport à un autre.

En changeant de point de vue, z’aurez remarqué qu’il nous est parfaitement loisible de dire « par après », ce qui commence de donner des indices troublants sur la charpente d’auparavant.

 

Aha ! C’est précisément la locution « par avant » qui apparaît dès 1243. Le fait qu’on y ait ajouté au pour faire joli – c’est vrai, après tout, à quoi l’article se rapporte-t-il ? – en dit long sur notre propension à charger la barque (cf. au-jour-d’hui) et reste encore aujourd’hui un mystère (cf. barque)…

Aussi, arrêtons-nous sur avant.

 

Abante provient du bas latin, lequel aimait lui aussi la chantilly puisqu’en plaçant le préfixe ab- devant ante (qui signifie déjà avant), il insiste sur l’achèvement (cf. abouti). Or, que l’on sache, avant l’heure c’est pas l’heure ; un événement antérieur à un autre, même de peu, finit bel et bien avant le début du suivant.

 

Notez qu’« adenavant » aurait donné un petit cousin tout à fait charmant à auparavant si le dieu des adverbes françois n’en avait décidé autrement…
Et un dieu qui s’appelle François ne peut être foncièrement mauvais.

Merci de votre attention.

 

Tout ce qu’il compte

 

Des fléaux s’abattent discrétos sur une orthographe déjà désastrée (c’est à mi-chemin entre dévastée et sinistrée mais avec la manière). Qu’est-ce qu’il reste ? Un paysage désolé. Savez ce qui vous reste à faire.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Doublonneurs impénitents, feignez-vous d’ignorer que s’

il reste quelque chose,

la chose dont on parle est précisément

ce qui reste ?

Un proooonom, ça s’appelle ; « pour le nom ». Marche avec tous les noms qu’on veut. La vache, qu’est-ce que ce est pratique.

En plus, question pronoms, « ce qui » nous occupe est largement pourvu. Ce, démonstratif, reprend la chose à son compte. Que qui, pronom relatif, se charge d’amener en douceur vers le verbe.

Pour ne plus se planter, remplacer par ça :

Ça reste (à prouver).

Je vous l’accorde, il sait se montrer très affectueuxtueux avec les défectifs, ces verbes mettables uniquement à la 3e personne (« il pleut »). Plus coquet que ça, il se fait logiquement chouchouter. A tel point qu’il laisse ses poils partout, y compris quand apparaît ce, qui n’est que ça en mieux.

 

Ce qui + il ?

Pompeux, grotesque, aberrant, [couchez ici votre compliment]. Seule circonstance atténuante : une certaine fluidité à l’oral. En particulier au bras d’une voyelle :

Voici ce qu’il advint…

Mais que se passe-t-il en cas de consonne ?

Voici ce qu’il se passa…

Fromage et dessert, et encore, avec chantilly. Est-ce là toute la confiance que vous témoigneriez à ce pauvre qui ?

 

A toute règle il faut une exception, soyez pas timides, dites-le. En effet, il y a des tours rigoureusement impersonnels : il faut, il y a…, devant lesquels « ce qui » peut aller se rhabiller :

Faut ce qu’il faut.
Je sais ce qu’il y a.

Ça n’est ici d’aucun secours :

Ça faut :

c’est faux.

Ça y a :

ça y’en a pas bon.
« Ça y a » peut donc aller se rhabiller.

Merci de votre attention.