Une fois évacuées « dans quel état j’erre » et autres potacheries éculées, on bute encore sur l’étagère et ses lourds secrets. Au premier rang desquels sa construction en étages.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Pour cette raison, il nous arrive parfois de confondre l’étagère avec un immeuble. Au paroxysme de la poilade, certains n’hésitent pas à installer leur étagère dans l’immeuble. Mise en abyme digne des dadaïstes les plus téméraires.
Si l’étagère ne vaut que par la superposition de ses étages, ces derniers méritent bien qu’on s’y arrête, avec ou sans groom.
Le plus vieil estage connu remonte à 1100. Il signifie alors « demeure ». Avant de partir d’un gros rire gras, considérez plutôt vos voisins de palier et osez dire que la perspective d’avoir l’étage pour vous tout seul ne vous a jamais titillé.
A la même époque, le mot s’emploie au sens de « position sociale », encore bien présent dans l’expression « de bas étage ».
L’« espace entre deux planchers formant un ou plusieurs appartements » (notre chouchou actuel) date de 1155. Il faut attendre le XVe siècle pour le « rayon » (d’une étagère, au hasard).
Quant à l’estagiera provençale, elle nous fournit la première estagiere en 1488.
Mais l’étage, lui, sur quoi repose-t-il ? Ester, un vieil équivalent d’« être debout », s’appuyant lui-même sur le latin de bas étage staticum, dérivé de statum, participe de stare, de même sens. D’Afghanistan à statistique, celui-ci s’impose avec une constance sans pareille.
Un aller-retour express chez les Albionnais permet de vérifier que leur stage, surélevée à l’intention des bigleux du fond, est un recyclage honteux – un de plus – d’estage. Monde à l’envers toujours, c’est aussi le cas du latin tardif stagium (« résidence, demeure »). Pensez-y pour votre rapport de stage.
Comme quoi, point n’est besoin de se farcir des étagères de bouquins, un petit stage d’étymo suffit.
Merci de votre attention.