Clavier

 

Le clacla, le viervier, l’étymo de ce jour va nous donner les clés pour tout comprendre du clavier.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

De fait, z’aurez beau les appeler des touches, en musique comme en informatique, un clavier est avant tout un repaire de clés. Les Zallemands nous l’ont piqué tel quel (Klavier). Mais le keyboard anglais (piano et ordi toujours) est suffisamment limpide : un « tableau à clés ». Et même à clefs.

Sans rire, trouvez pas que cette graphie a fière allure ? Hors apocopes (rediff, manif), les noms féminins refermés par un f se comptent sur les doigts d’une main (et encore, de Django) : nef et chef si toutefois c’est une fille.

Bref.

Si l’on met un f à clef, c’est à cause du v latin, celui de clavis :

instrument de métal servant à ouvrir et à serrer.

Notez qu’on n’a pas trouvé mieux depuis pour s’occuper des écrous et des serrures.

Auparavant, pardon, on était obligé de passer un clou dans un anneau pour pouvoir entrer. C’est d’ailleurs pourquoi les Romains appelaient leur clou clavus, l’indo-européen klehus irriguant à la fois clavus et clavis. Si les deux étaient dans un bateau, je vous dis pas.

Brièveté brièveté.

La parenté du v saute donc aux yeux, notamment dans cheville (anciennement cavicula), clavicule (anciennement clavicula articulé comme il faut) et clavette, cette « petite clé » articulant comme il faut.

Quant à enclaver et clore (claudere), inutile de vous faire un dessin ; fermons-la carrément.

 

Ah ! si, avant d’oublier, le clavier du XIIe siècle est logiquement le « gardien des clés ». L’« ensemble des touches de certains instruments de musique » apparaît en 1419 et il faut attendre le XIXe siècle pour voir la suprématie du clavier s’étendre aux « touches de tout objet ».

Hé ho, les clavecinistes, arrêtez de faire la gueule : dites-vous que vous jouez du clavicymbalum en raccourci.

Merci de votre attention.

 

« A la clé »

 

Soupir liminaire : plus personne n’écrit clef avec un f au motif que ça fait une lettre de plus. On commence comme ça et on finit par changer la serredure en serrure, le pesne en pêne et le chambramlle… Je ne vous le fais pas dire.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Embringués sur cette pente fatale, c’est à pêne si nous sursautons quand un sombre delahousse dresse le bilan d’un attentat en ces termes :

à la clé 31 morts,

fin de citation.

C’est déjà extrêmement ballot de finir éparpillé façon puzzle sans avoir été consulté. Si « à la clé » on chahute le repos de votre âme … Car quoi ? la locution présage plutôt une issue heureuse, une récompense à venir, quoique certains dicos la tiennent pour « généralement péjorative ». On n’est pas forcé d’acquiescer.

Tout ça, c’est de la faute des musiciens qui, eux, l’emploient au sens littéral : dièses ou bémols à la clé indiquent la tonalité du morceau. Faites-le-leur cracher, tiens : la première chose qu’ils zieuteront au déchiffrage, c’est la clé (de sol, de fa ou d’utre-tombe selon l’instrument), ainsi que l’armature y afférente. 47 bémols à la clé = cauchemar assuré. Heureusement, on n’a droit qu’à 7. Idem pour les dièses, voui voui voui. Tout bêtement parce qu’après do, , mi, fa, sol, la, si, c’est le bout des terres. Et dire qu’avec cette maigre ration, d’aucuns arrivent encore à nous pondre du lancinant dont on se demande où ils vont le chercher.

Je m’égare et vous dites rien.

« A la clé », donc, exprime à sa manière l’idée d’une « carotte » ; c’est une promesse. Rapportée à la boucherie citée plus haut, avouez qu’il y a des expressions plus heureuses :

Le bilan fait état de…
On dénombre…
On recense…

pour ne citer que celles-là. « A la clé », c’est un peu comme si le présentateur revendiquait la chose en jouant à compatir. Que si ça se trouve, la voiture, c’est lui qui l’a piégée pour revenir annoncer lui-même le nombre de victimes à l’antenne. D’autant plus impardonnable que, déontologiquement (« Tu ne tueras point »), on a droit à 0 dans ces cas-là.

 

Et pour les fausses notes, l’oreille, y’a qu’ça d’vrai.

Merci de votre attention.