Pour faire oublier qu’on le paye un peu pour des prunes, le commentateur sportif – voire le sportif lui-même – utilise des expressions trop sérieuses pour être honnêtes. On apprend ainsi à l’heure du bilan qu’Untel a été bon « dans tous les compartiments du jeu ».
Mais revenons à nos moutons, moutons.
S’il se bornait à la tactique (attaque, défense et c’est tout), le zigoto au micro ferait le tour de la question sans avoir recours à de tels zartifices. Mais des stats détaillées jusqu’à l’os l’incitent en temps réel à souligner la maîtrise technique des joueurs. Et à éclabousser de son analyse le téléspectateur qui
1) n’en demandait pas tant,
2) n’en a pas grand-chose à secouer,
3) aimerait juste revoir l’action au ralenti.
Quel rapport avec le compartiment à glaçons ou ceux du train TER qui arrivera en gare voie B éloignez-vous de la bordure du quai s’il-vous-plaît ? L’habitude de mettre le réel dans des cases, sans doute.
On oublie que l’essentiel est ailleurs. Que nous sert de connaître la longueur moyenne d’une phrase de Proust ?
Evidemment, comme on ne sait pas d’où vient l’inspiration, on se venge en l’émiettant en compartiments. Le gars non doué causera matos au lieu de peaufiner son art. C’est ce qui distingue le musicien du zicos.
Dans la même veine, d’aucuns déterreront sans que ça les gêne le mot filière. Au tennis notamment :
cette filière de fond de court lui a plutôt réussi jusqu’à présent.
Administrative ou technique, on voit bien. Bovine ou porcine itou. Mais la filière du filet ? Nous v’là paumés. Dans ces conditions, pourquoi pas branche ou secteur ?
Figurez-vous que les moins bégueules s’y aventurent déjà :
l’équipe a encore progressé dans le secteur défensif.
Caser compartiment, filière, secteur et branche dans la même phrase : la performance n’est plus qu’une question de temps.
Merci de votre attention.