« A poings fermés »

 

« Dormir à l’hôtel », « à la belle étoile », « à poings fermés » : on ne roupille jamais aussi bien que dans son lit la troisième proposition. Morphée tout entier tient dans ce à. Omettez-le et l’expression se dégonflera à vue d’œil. Et si on enlevait tout, histoire de se réveiller ?

Mais revenons à saute-mouton, moutons.

« A poings fermés » rendrait compte d’un sommeil optimal depuis la nuit des temps. Excusez, ça reste à prouver.

Sur le fond déjà. Qu’on nous montre l’étude recommandant de pioncer comme ça plutôt que les bras le long du corps, ou démantibulé comme Marty McFly dans Retour vers le futur. Celui-ci écrase si profondément qu’il bat en brèche le coup des poings.

Et sur la forme ? Impossible de fermer l’œil.
Vers quelque dico qu’on se tourne, l’évidence persiste :

Poing : main fermée.

S’il y en a parmi vous qui dorment, boxent ou quoi que ce soit d’autre « à poings ouverts », qu’ils nous fassent signe. Avec lesdits poings, tiens.
Tout juste pourra-t-on ronfler « à poings serrés », signe d’une certaine tension intérieure, prélude à une nuit agitée qui ne contredit pas qu’un peu le sens de la locution.

Par définition, nous ne devrions dormir qu’« à poings », point barre. Seule la confusion possible avec « dormir à poil » nous en empêche.

 

Point de vue pléonasme, « dormir à poings fermés » est donc au coude-à-coude avec « dormir les yeux fermés » ou « les oreilles ouvertes », mes moutons. Car les oreilles ne se ferment point. Partant, tous les bruits continuent à nous parvenir pendant qu’on dort. Voilà un prodige dont on ne prend pas la mesure tous les jours – ni même toutes les nuits.

Certains objecteront qu’il est tout à fait possible de trouver le sommeil billes ouvertes, tel Gandalf dans Le Seigneur des Anneaux.
Mon œil !
En réalité, il ne dort que d’un œil.

Merci de votre attention.